La Revue des livres N°1
Dans un paysage éditorial morose et alors que nos sociétés sont victimes de crises toujours plus complexes, on ne peut que se réjouir de la naissance d’une revue qui pense et donne à penser. C’est peut-être même encore plus roboratif quand cette naissance est en fait une renaissance, une résurrection. La Revue internationale des livres et des idées – RILI – que nous avions saluée jadis (voir Lmda N°89) avait dû en effet cesser sa publication pour des raisons économiques : La Revue des livres, dans un format différent, avec une équipe élargie, réitère aujourd’hui les ambitions autrefois affirmées.
Alors que « de nouveaux questionnements, de nouveaux champs de recherche et de nouvelles subjectivités intellectuelles émergent », la Rdl veut « diffuser et discuter les pratiques politiques et les productions des différents champs de savoir les plus stimulantes » – et cela en demeurant « autant que possible, une revue pour tous et une revue ouverte ». Le défi est lancé – et relevé dans ce numéro. Le panorama est vaste, de l’examen de la « nouvelle gauche » actuelle en Chine (qui tente de repenser l’héritage révolutionnaire à côté et même contre le Parti communiste) à l’évocation de « l’homonationalisme » qui guette aujourd’hui certains gays, acceptant, en échange de la relative tolérance qu’on leur accorde, d’adhérer à des mots d’ordre nationalistes, voire racistes (l’arabe homophobe ou machiste étant le nouvel ennemi à abattre). En ouverture, un entretien avec Éric Hazan et le géographe et sociologue Bernard Marchand diagnostique la dangereuse inégalité entre une France des villes et des banlieues, qui travaille et produit la richesse mais que l’on néglige, et une France rurale que l’on dorlote et qu’on muséifie parfois, en cédant à une sorte de pétainisme inavoué. Yves Citton, se penchant sur le « récit génétique » au XVIIIe siècle, nous rappelle que la fiction est constitutive de nos identités – et Enzo Traverso, lui, salue ce que fut jadis « l’intellectuel juif », paria et prophète à la fois, alors qu’aujourd’hui la France et les États-Unis semblent malheureusement devenus « les centres de la nouvelle intelligentsia juive conservatrice ». Tous ces articles, pour la plupart recensions d’ouvrages universitaires du domaine anglophone, témoignent donc d’une véritable volonté critique et pédagogique à la fois. Sans doute expriment-ils tous l’urgence d’alerter la conscience du lecteur et de lui donner quelques armes pour affronter les fausses certitudes et la tyrannie de la doxa.
Thierry Cecille
La Revue des livres N°1
Septembre-octobre, 78 pages, 6,50 €
31, rue Paul-Fort 75014 Paris. En kiosque.