La rédaction Thierry Cecille
Articles
Pavane pour un pays défunt
En une fresque ambitieuse et savamment construite, Regina Scheer ressuscite, de la Seconde Guerre mondiale aux années 2000, la RDA et certains de ceux qui y vécurent, jusqu’à la fin.
Peut-être vous est-il arrivé, à la lecture, par exemple, de Guerre et Paix ou des Frères Karamazov, de ressentir l’utilité de dresser une liste des personnages ou un arbre généalogique, pour vous y retrouver ? Regina Scheer, à la suite des 385 pages de ce roman, s’en charge pour nous : elle nous présente « Les protagonistes », soit la douzaine de personnages principaux qui s’y croisent (nous en rencontrerons d’autres, bien sûr, plus épisodiques). Cinq d’entre eux seront, alternativement, les narrateurs, créant ainsi un jeu d’échos, un texte complexe mais pourtant limpide, savant tissu de...
Voix survivantes
En 1973, la parution de L’Archipel du Goulag de Soljénitsyne est un événement météorique, politique mais également littéraire. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le cœur serré, je me suis abstenu, des années durant, de publier ce livre alors qu’il était déjà prêt : le devoir envers les vivants pesait plus lourd que le devoir envers les morts. Mais à présent que, de toute façon, la Sécurité d’État s’est emparée de ce livre, il ne me reste plus rien d’autre à faire que de le publier sans délai ». Avant même la page de titre, Soljénitsyne s’adressait...
Les dépossédés d’Élias Khoury
Dans un puissant roman d’apprentissage, l’écrivain libanais explore ce paradoxe douloureux : être exilé dans son propre pays.
Nous ne connaissons que quelques bribes des histoires racontées, chaque histoire porte en elle des secrets et comporte de multiples facettes et, malgré de nombreuses tentatives, les romanciers demeurent incapables de la raconter de manière exhaustive ». Nul doute qu’Élias Khoury partage ce diagnostic, qu’il attribue à son narrateur, mais ce n’est pas là un constat d’échec, plutôt un défi à...
L’amour vache
Dans un premier roman enlevé, à la fois cruel et émouvant, Magyd Cherfi raconte une métamorphose singulière, celle d’une mère.
Dans notre imaginaire, parmi d’autres clichés, trône l’image de la mère méditerranéenne, juive ou arabe, une Marthe Villalonga envahissante mais farouchement aimante, dévouée à sa famille nombreuse, génitrice fière de sa portée, aussi savante en larmes pathétiques qu’en youyous triomphants. Celle qu’ici nous allons rencontrer s’écarte, dès l’abord, de ce modèle. Taos est une veuve recluse...
Loup solitaire
Comment devient-on terroriste ? C’est à cette question que tente de répondre, en un court roman d’apprentissage, Ahmet Altan.
Il y a deux ans, Ahmet Altan, dans son superbe Madame Hayat (voir Lmda n°226), nous entraînait dans les pas de Fazil. Dans la Turquie d’Erdoğan, le jeune homme, tiraillé entre deux femmes, Madame Hayat (la vie, en turc) et la jeune Sila, voyait peu à peu les libertés se restreindre, la violence se faire de jour en jour plus présente, rendant la vie peu vivable, condamnant peut-être à...