Numéro après numéro – ici le cinquième (un peu plus maigre que les précédents) –, la revue trimestrielle Feuilleton affirme son originalité dans le croisement du reportage et de la littérature et, au vu de ses « 12 000 exemplaires » vendus en moyenne, annonce-t-elle, a trouvé son lectorat. Malgré le précurseur XXI, une telle revue manquait dans le paysage éditorial français des « mooks ». Très majoritairement composée à ses débuts de traductions de longs articles anglo-saxons (héritiers du « nouveau journalisme » américain et du « narrative writing ») et hispaniques, sans doute autant par choix que par nécessité financière, Feuilleton ouvre de plus en plus ses pages à des plumes francophones et à des productions qu’elle initie. Ici l’écrivain et anthropologue Eric Chauvier suit ainsi avec acuité le Tour de France : « Le spectacle continue avec cette absence de regard critique si spécifique au divertissement total ». Deux auteurs écrivent sur le mystérieux « culte du Cargo » en Mélanésie. Mais on pourra continuer de préférer les productions anglo-saxonnes qui mêlent toujours une sécheresse des faits, l’enquête, et une façon de les raconter (comme cette « Opération Dubaï » du Mossad ou l’histoire d’un couple arty new-yorkais conclue par une double-suicide). De même que les textes passionnants d’écrivains : Joan Didion sur New York, Aharon Appelfeld sur Prague (avec des dessins de Crumb) et Tom Bissell sur une immersion destructrice au pays des jeux vidéos. L’équipe de Feuilleton annonce pour 2013 un semestriel qui concentrera son regard sur le sport.

Christophe Dabitch

Feuilleton N°5
192 pages, 15 €