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Théâtre Loin d’elle

octobre 2012 | Le Matricule des Anges n°137 | par Jean Laurenti

Dans ce drame oppressant, Laurent Mauvignier s’attache au bouleversement d’une famille par l’irruption d’une jeune fille disparue.

Aucune parole, dans les livres de Laurent Mauvignier, ne prend place en surplomb. La réalité y est une construction collective, fragile, aléatoire. On ne s’étonne guère de retrouver en auteur de théâtre cet écrivain dont les romans sont tissés d’une pluralité de voix, qu’elles soient celles de protagonistes ou d’observateurs en retrait. La scène est un horizon vers quoi pouvaient tendre plusieurs de ses ouvrages précédents. On songe notamment au Lien, dialogue crépusculaire dans lequel un homme et une femme se retrouvaient après une très longue séparation ; ou encore à Loin d’eux, son premier roman publié en 1999.
Avec Tout mon amour, texte dont l’idée centrale devait initialement nourrir le scénario d’un film, il s’engage pleinement dans l’écriture théâtrale. Composée de quatorze « séquences », cette pièce est construite autour d’un drame familial. Elle s’ouvre sur le dialogue d’un couple qui, quelque part dans le sud de la France, vient d’assister aux obsèques du père de l’homme. Épisode qui va raviver une tragédie survenue à cet endroit : au cours d’une journée d’été, alors âgée de 6 ans, la plus jeune des deux enfants du couple (ils ont aussi un fils) a disparu sans laisser de traces. Après de vaines recherches, ils ont fui ce lieu où leur vie a basculé, refusant d’y jamais revenir, laissant leur père et beau-père seul avec sa cruauté inutile et son ressentiment.
On est à peine surpris de retrouver le vieil homme, tout juste enterré, debout parmi les vivants dont il attise les tourments : « J’ai entendu tes pas résonner dans le sol, assène-t-il à son fils. Tous tes mensonges qui vibraient et s’enfonçaient dans la terre. Mon fils avec son sang de navet qui regardait la jeune fille entre les tombes et devait bien se demander, mais qu’est-ce que c’est que cette fille, hein ? Qu’est-ce que c’est que ça ? » Et si Élisa, cette jeune fille qui tente de les approcher était bien, comme elle le prétend, l’enfant volatilisée dont l’absence les a plongés dans un chagrin irrémédiable ? Si cette adolescente avec sa boîte remplie d’objets identiques à ceux que la petite fille portait au moment de sa disparition était bien leur enfant ? Le père ne peut pas le croire, puis il vacille, ne sait plus ; la mère, quant à elle, refuse de reconnaître le visage, les pièces à conviction : « C’est quoi après tout, dis-moi ? Hein ? Des chiffons ? Des vieux jouets ? C’est rien, ça ne prouve rien, c’est rien (elle se met à rire) ! »
Absent jusque-là pour cause d’examens à préparer, le fils est sommé de rejoindre ses parents pour les aider à affronter cette « imposture ». Avec son arrivée la confrontation va basculer dans une direction que l’on n’avait fait d’abord qu’entrevoir. Au garçon dont elle est convaincue qu’il est son frère, Élisa raconte les circonstances de son enlèvement et de sa captivité, évoquant au passage une formule singulière de son ravisseur : « (…) et puis il m’a promis que mes parents n’ont pas existé. » L’écho de cette sentence paradoxale, son ton puéril et son caractère prophétique donnent à ce drame l’atmosphère d’un conte merveilleux et cruel. Parce qu’elle a grandi, il n’y a plus de place pour Élisa parmi les siens. « (…) sa voix je l’entends tous les jours, toutes les heures que je vis c’est avec sa voix à elle qui me supplie de venir la chercher. Crois-moi, cette voix je la connais et c’est celle d’une petite fille de six ans, de six ans, tu entends ? » La mère s’adresse ainsi à son fils, à ce garçon dont la présence a encombré les années dédiées à la célébration du vide : « (…) il faudrait que je trouve ça merveilleux d’avoir entendu ta voix muer et de t’avoir vu grandir ? (…) mais c’est elle mon amour, c’est à elle que je l’ai donné, à son absence, à son manque… » Et au pur diamant d’une douleur dont l’éclat ne peut tolérer d’être terni par les démentis grossiers de la vie réelle.

Jean Laurenti

* La pièce est créée par le collectif Les Possédés au Théâtre Garonne, à Toulouse, du 23 au 27 octobre.

Tout mon amour
Laurent Mauvignier
Éditions de Minuit, 127 pages, 11,50

Loin d’elle Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°137 , octobre 2012.
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