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Domaine français Tendre est la peau

octobre 2012 | Le Matricule des Anges n°137 | par Lionel Destremau

Avec À nos pères, Tarik Noui nous livre une fiction noire sur la vieillesse et son angoissant dénouement.

En premier lieu, sans doute faut-il souligner que ce roman de Tarik Noui est une seconde mouture d’un projet antérieur, une fiction radiophonique diffusée sur France Culture. Cela explique peut-être la composition du livre qui s’écarte d’une narration traditionnelle pour fonctionner par courtes séquences, comme des scènes brèves mises en lumière, des flashs qui captent des instants de vie bien spécifiques du personnage central, Lucius Marnant. Ce dernier est un homme d’un certain âge, à la retraite, qui vit seul. Pas de famille à proximité, plus ou pas d’amis sinon ceux dont il assiste à l’enterrement, et une existence monotone, composée de mille gestes répétés chaque jour : « Pas d’émerveillement à chaque geste. Pas d’interrogation ou de beauté quelconque dans le geste. Tout est fait tranquillement. » Il a travaillé longtemps, mais cela ne lui a pas permis d’acquérir un bien (il loue un petit appartement depuis vingt ans déjà) ni de subvenir correctement à ses maigres besoins. Une rencontre de hasard l’amène à découvrir, dans le sous-sol d’une boîte de nuit, des combats clandestins. La foule, jeune, excitée, perverse, se rassemble là pour parier et assister à des duels à mains nues entre vieillards.
Bien sûr, ce pitch de roman fait songer, immanquablement, au Fight club de Chuck Palahniuk et, pour ceux qui n’ont pas lu le livre, à l’imaginaire véhiculé par l’adaptation cinématographique. Prenez un acteur d’un certain âge, par exemple un Clint Eastwood qui a comme on dit de beaux restes, et mettez-le à la place de Brad Pitt. Seulement voilà, pas d’effets hollywoodiens ici, pas non plus de style trash qui met en scène les désordres de la violence, ni encore de sentiment de liberté absolue qui serait procuré par le déchaînement des coups. Tarik Noui mélange les registres de langue, phrases courtes, directes, s’attachant à l’action, chapitres brefs éclairant les personnages sans recherche psychologique poussée, accents de roman noir dans la description du petit monde des bas-fonds, et puis, comme par miracle, des élans poétiques qui surgissent au détour d’une ligne : « Aldo voudrait que toutes les nuits soient semblables. Dans le corps et le désir du corps et rien de plus. (…) La toute-puissance de sa parole qui comprend et accouche à chaque fois que l’on bouge les lèvres, de ce qui ressemble à la beauté du monde. Ou peut-être à sa périphérie. »
Lucius Marnant n’est pas un héros fort et résistant, un vieil athlète qui s’entretient, c’est un homme plutôt décrépit, qui sent la vieillesse lui ronger les os et les nerfs, et qui ne se fait aucune illusion sur la sénilité qui finira, sous peu, par le rattraper, effaçant sa mémoire et sa pensée pour le réduire à un corps en souffrance (« il arrive un moment dans la vie où le médecin devient une espèce de dealer. Seul moyen de tenir encore un peu la route. » S’il se retrouve dans la cour des vieillards ridicules – ballet de corps avachis, de peaux ridées, de muscles mous –, se battant comme des chiens, c’est qu’il n’a rien à perdre, ou plus grand-chose, mais aussi parce qu’il goûte encore à quelques plaisirs : la rançon financière du succès, le sexe avec quelques jeunes filles qui s’excitent à l’idée de coucher avec un grand-père, la proximité avec cette jeunesse si vorace et sans pitié. Et il apprend, peu à peu, à écarter la pitié lui aussi, et à massacrer ses adversaires. Paradoxalement, c’est avec cette froideur dans les combats que la chaleur de son corps meurtri lui ramène un peu d’amour de soi-même. Pas beaucoup, juste assez, pour continuer à avancer, à survivre, à se délester de tout ce qui pèse encore, jusqu’au dénouement : « Même ce qu’on dit de la mort est trop vivant pour la faire venir. Elle reste autour. Il n’y a pas de chant pour la faire venir. Pas de prières. De psalmodies. De formules. Rien. La mort est une invitation blanche. Un pacte d’enfant et elle est là. »

Lionel Destremeau

A nos pères
Tarik Noui
Inculte, 196 pages, 14,90

Tendre est la peau Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°137 , octobre 2012.
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