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Poches Requiem à l’ouest

novembre 2012 | Le Matricule des Anges n°138 | par Lionel Destremau

On achève bien les légendes… dans le dos. La fin d’une certaine idée de l’Amérique, par Glendon Swarthout.

Avec la réédition de Lonesome Dove, de Larry McMurtry, c’était un monument du genre western que les éditions Gallmeister nous avaient remis entre les mains. Beaucoup moins ambitieux que cette longue saga, le bref roman de Glendon Swarthout, Le Tireur, ici donné dans une nouvelle traduction, est pour autant un des maillons indispensables de cette grande chaîne romanesque des Lettres américaines consacrée aux mythes de l’Ouest. Et Swarthout (1918-1992) fait partie des auteurs phares du domaine, historien et spécialiste du Far West, dont nombre de romans furent adaptés au cinéma. Parmi eux, Le Tireur revêt une aura spécifique, son adaptation par Don Siegel en 1976, sous le titre Le Dernier des géants, ayant donné à John Wayne son dernier grand rôle.
Et pour cause. Wayne, alors atteint d’un cancer, était l’acteur idéal pour incarner le personnage central de ce récit, John B. Books. Ce dernier, desperado professionnel, est un des survivants parmi les plus fines gâchettes de l’Ouest qui ont nourri l’imaginaire américain (il emprunte ainsi au début du roman le nom de Wild Bill Hickok). En 1901, âgé 51 ans, il arrive à El Paso pour consulter un médecin qui autrefois le sauva d’une sale blessure par balle. Il espère que le docteur Hostetler parviendra à le guérir du cancer qu’on lui a diagnostiqué. C’est peine perdue bien sûr. Le roman va dès lors basculer. Pas de grands espaces, pas de chevauchées, aucun indien en vue ni convoi de chariots, l’essentiel des topoi du western est évacué pour faire place à une forme de huis clos macabre.
L’action, qui fait souvent le sel de cette littérature, est réduite à la portion congrue. On assiste ainsi à un double requiem. D’un côté, la désillusion et la décrépitude d’un homme enfermé dans une chambre, jusque-là craint de tous, envié de certains, et dont toute l’existence repose sur une sorte d’image d’aura immortelle qui s’effrite au rythme de sa transformation physique, jusqu’à s’effondrer lorsque le cancer en phase terminale ne lui laisse plus que la peau sur les os. « Je peux rester allongé ici et agoniser à petit feu. Je peux me faire sauter la cervelle. Mais j’ai trop de fierté pour ça. Et puis, ça n’a aucun style. » L’icône du fringant cavalier, juste et droit dans ses bottes, en prend un sacré coup, J. B. Books devenant accro au laudanum, seul remède pour oublier la douleur qui lui vrille le corps. D’un autre côté, la fin d’une période de l’histoire américaine, lorsque le siècle commençant apporte la modernité dans les villes (électricité, gaz, téléphone, transport public, etc.), de nouvelles règles de vie en communauté et signe la mise à mort des figures héroïques d’hommes certes violents mais viscéralement attachés à leur liberté et leur indépendance. Books ravale ainsi sa fierté quand il se voit contraint d’être aidé par sa logeuse, une femme qu’il méprisait au début du roman, tant elle lui semblait manquer de caractère.
Malgré cette modernité de situation qui renverse les codes habituels du genre, Swarthout s’inscrit cependant toujours dans le western. À défaut de grands espaces, ce roman crépusculaire tient tout entier dans la confrontation de J. B. Books avec une galerie de personnages typiques : le Shérif, la Veuve, le Croque-mort, le bandit mexicain, le gamin qui se rêve en nouveau Billy the Kid, etc. Tous participent à la tragédie, chacun retirant sa pierre à l’édifice de déconstruction du héros invulnérable : une catégorie s’emploiera à chercher un moyen de gagner une once de gloire dans la mort de Books ; une autre, préfigurant avec quelque cynisme un portrait plus moderne de l’homme américain, cherchera à exploiter financièrement cette mort ; une dernière viendra rendre sa part d’humanité, de vulnérabilité, d’amour en somme, au monolithe indestructible que représente le tueur sans cœur et sans regret. Jusqu’au duel final, dernier topoi mis à mal, au cours duquel le coup d’éclat pour finir en beauté dérapera dans les toutes dernières lignes…

Lionel Destremau

Le Tireur
Glendon Swarthout
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laura Derajinski
Gallmeister, « Totem », 208 pages, 9,30

Requiem à l’ouest Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°138 , novembre 2012.
LMDA PDF n°138
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