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Domaine étranger À l’américaine

janvier 2014 | Le Matricule des Anges n°149 | par Thierry Guichard

Juan Villoro mêle dans son écriture la culture mexicaine à un art de la fiction anglo-saxonne.

Nous sommes sur la côte caribéenne du Mexique, haut lieu d’un tourisme de masse miné par la pollution qui à Kukulcán livre à l’océan et aux cyclones les infrastructures hâtivement réalisées pour y accueillir les touristes américains.
Mario, surnommé « der Meister » à cause de sa longue fréquentation de Maître Eckhart, s’est vu confier par un riche américain la gérance de la Pyramide, complexe touristique d’un genre particulier et non le monument précolombien. Conscient que les clients viennent ici pour connaître la peur et les grandes émotions, on y organise par exemple l’enlèvement très provisoire de la clientèle lors d’opérations rudement réalistes. Le narrateur en fera d’ailleurs les frais. Boiteux depuis l’enfance, celui-ci doit sa place dans le complexe au fait que sa longue descente dans l’enfer de la drogue le fait passer auprès du propriétaire pour un vétéran du Vietnam. Notre homme estropié souffre aussi de trous de mémoire conséquents que Mario comble de ses souvenirs. Les deux, en effet, ont vécu les années 1970 ensemble, se produisant dans le même groupe de rock, Les Extraditables que le succès aura conduit jusqu’au Japon. On voit déjà que l’univers proposé par Juan Villoro ne s’effraie pas de pousser ses ramifications vers nombre de mythologies (rock, drogue, violence, société de la marchandisation, etc.). Mais le roman commence avec un accroc notoire au programme de divertissement proposé aux touristes. Le plongeur qui travaille avec notre narrateur à la « sonorisation des poissons » de l’aquarium géant vient d’être trouvé mort, harponné en tenue d’homme-grenouille dans le hall de l’hôtel. Si, dans son exploration du tourisme new-age, Villoro fait penser à JG Ballard et à sa Face cachée du soleil (le crime pour distraire les bourgeois), c’est vers d’autres Anglo-Saxons que l’enquête policière conduit avec une énigme en forme de contrainte : « un homme-grenouille dont la combinaison est parfaitement sèche est découvert tué par un harpon, en pleine nuit. Expliquez ce qui s’est passé. » Si Villoro se donne près de trois cents pages pour ce faire, c’est surtout parce qu’il s’intéresse – et nous avec lui – au passé du narrateur et ainsi à celui de toute une génération liée par le massacre de Tlatelolco en 1968.
En ce sens, le roman suit l’évolution d’un pays, celle d’une génération qui après avoir rêvé de Révolution s’est soit perdue dans les labyrinthes de la drogue soit lancée dans la frénésie des affaires, à mille lieues d’une idéologie oubliée.
Mais cette histoire, tissée de lambeaux de mémoire dont on ne sait ce qu’elle doit à l’invention, est menée par un puncheur de l’écriture. Villoro, en effet, travaille sa phrase pour la rendre percutante. Le lecteur est saisi par une force d’évocation qui fait de la lecture un plaisir permanent. Comme les touristes du centre par les fausses attaques de guérillas ou comme le narrateur par le désir de la prof de yoga ? « Elle a porté la main à la ceinture de son peignoir et l’a laissée là, une experte dans l’art de différer les choses. »

T. G.

Récif
Juan Villoro
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Isabelle Gugnon
et Juliette Barbara, Buchet Chastel, 281 pages, 19

À l’américaine Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°149 , janvier 2014.