Il a publié Jean-Pierre Vernant, Marc Augé, Arlette Farge, Paul Celan, Giorgio Agamben, Yves Bonnefoy, ou encore Luc Dardenne… Il garde en réserve des inédits de Georges Perec et de Claude Lévi-Strauss, prépare le livre d’une jeune auteure sur Alix Cléo-Roubaud. À l’heure où de plus en plus d’écrivains s’approprient la forme de l’essai, au croisement de la réflexion et du romanesque, de la biographie et de l’invention, il peut s’enorgueillir d’avoir fait de cette forme brève un choix d’édition et d’avoir publié Antonio Tabucchi et Camille de Toledo (dont le dernier tome de la trilogie, Oublier, trahir, disparaître, vient de paraître). Du côté des savants, l’essai permet souvent de faire un pas de côté, d’explorer les marges d’une discipline, d’un champ, d’une façon de penser. On se souvient du Goût de l’archive, d’Arlette Farge ; sort un livre de l’historien Jacques Le Goff au titre décalé, Faut-il vraiment découper l’Histoire en tranches ? Esprit de méthode et d’escalier d’une collection pour le moins éclectique.
Maurice Olender est un éditeur aux mille tours. On le rencontre lors d’une de ses escales à Paris (il navigue entre l’EHESS, où il donne un cours sur Priape et son homologue féminin, Baubô, et Bruxelles, sa ville d’origine). Malicieux, il a fait des recherches sur vous. On lui fait remarquer que son dernier catalogue date de 2009, il vous propose de vous en occuper. Fougueux, il raconte l’aventure collective de sa maison et de sa revue (Le Genre humain), souligne les rencontres et revendique l’artisanat, ne veut pas séparer les anciens compagnons des jeunes recrues. Scrupuleux, il aurait aimé insérer des notes de bas de page en complément de ses réponses. Échange avec un philologue qui a écrit Les Langues du paradis (1989, l’année de création de la collection), et se dit éditeur « par hasard ».
Maurice Olender, vous dirigez la collection « La Librairie du XXIe siècle », nommée ainsi en référence à la librairie de Montaigne et à notre époque. Peut-on être un éditeur de son temps ?
J’ai souvent écrit que rien n’était plus improbable que d’être con-temporain de son présent : quand on porte son regard sur l’histoire, et ses passés successifs, on est frappé de voir combien les « contemporains » des temps anciens sont peu présents à leur propre présent. Comme si on s’arrêtait de vieillir, bornés « au présent de notre passé », refusant d’adopter notre environnement, d’assimiler le temps qui passe et ses transformations en nous. Ce qui explique le nombre de contemporains qui vivent à contretemps, le regard masqué, muni d’un rétroviseur pour toute mémoire d’avenir. C’est pour « éveiller » les citoyens aux aveuglements politiques du présent que nous avions lancé, dans Le Monde du 13 juillet 1993, notamment avec Yves Bonnefoy, un « Appel à la vigilance », un Appel à la « responsabilité sémantique ».
Si je formulais un rêve, sans doute utopique, ce serait : auteur, d’écrire des livres « au...
Éditeur Marginalia
Entre érudition et dilettantisme, la collection « La Librairie du XXIe siècle », hébergée par le Seuil, butine aussi bien du côté de l’anthropologie que de la fiction, de l’Histoire que du témoignage. La marque de fabrique d’un éditeur de caractère, Maurice Olender.