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Domaine français Chants lointains

mars 2014 | Le Matricule des Anges n°151 | par Dominique Aussenac

Le paradis perdu de l’enfance hante le quatrième roman de Kéthévane Davrichewy. D’une très délicate sobriété.

Ah, la famille ! Ses âges d’or, ses fastes, ses déchirements, ses secrets, ses jalousies, ses recompositions… Et plus que jamais ses croisés et ses pourfendeurs. D’origine géorgienne, Kéthévane Davrichewy, née en 1965, puise dans ses souvenirs familiaux une bonne partie de son inspiration. D’abord en traduisant des contes arméniens pour enfants, puis en publiant des romans pour adultes. Tout ira bien (Arléa, 2004), La Mer Noire et Les Séparées (Sabine Wespieser, 2010, 2012). Quatre murs surprend par sa dimension théâtrale, l’extrême intensité du dit et du non-dit, sa très grande musicalité. Tintements, clapotis impressionnistes, polyphonie éclatée, chœurs intimistes susurrés, phrases courtes et incisives, tirades, répliques-ping-pong, silences, introspections… Une construction en trois actes. Un prologue qui voit toute une famille réunie une première fois depuis la mort du père. Ce sera la dernière dans la maison d’enfance mise en vente. La mère, les aînés Saul et Hélène, les jumeaux, Réna la fille, Elias le garçon, Il est question d’héritage ; premières et vives escarmouches. « Ils se taisent. Le silence les saisit d’abord. Puis le chant des oiseaux, le bruissement des feuillages, une tondeuse au loin. Ils se lèvent, s’éloignent les uns des autres. Ce n’est pas intentionnel, ça se trouve comme ça. Chacun se réfugie dans un espace intime et ignoré de ses frères et sœurs. Que pensent-ils ? Que ressentent-ils. La maison de Sommages est immobile, figée dans la pierre, et dépouillée de leurs empreintes. » Ensuite, chacun viendra sur le devant de la scène, comme s’il parlait tantôt à un psy ou à un public expliquer sa situation, sa version des faits. Mais aussi comment il a rompu avec les autres, comment il s’est déconstruit et plus ou moins reconstruit. Saul, le grand frère semble en rupture. Après s’être consacré au journalisme, il se lance dans la menuiserie sur une île grecque. Hélène vit de son nez et élabore des senteurs qui rappellent l’enfance. Les jumeaux se livrent dans un dialogue aussi tendre que tempétueux. Elias a abandonné une carrière de musicien. Réna évoque son handicap après l’accident. Le recoupement de leurs témoignages finit par mettre à nu des zones d’ombres, des secrets, voire même des relations incestueuses. Que cache cet accident qui hante la famille ? Est-ce la réplique de celui qui dans l’enfance divisa une première fois ? Ce dernier génère une profondeur de champ teintée de fantastique. La nuit, les phares, les secours… Quelles sont les parts de responsabilité de chacun ? Dans la cabane du jardin, l’enfance était fusionnelle. Et puis est arrivée l’adolescence, le désir. Hélène sera aimée par son cousin germain et tombera enceinte. Qu’ont vécu les jumeaux ? Pourquoi est-ce si dur de passer à la vie d’adulte ? De devoir refaire une autre vie ? Toutes ces questions sont traitées avec une extrême pudeur, énormément de délicatesse. Carambolage de mots, de sentiments, de souvenirs d’actes manqués ou trop réussis. L’émotion sourd telle une laitance sensuelle et mélancolique.
La mère décide d’inviter tout son monde sur l’île grecque de l’aîné. Vont-ils se déchirer ? Vont-ils se pardonner ? Vont-ils retrouver la fusion des ori-gines ? Inventer autre chose ? La fin elliptique et cinématographique nous les laisse entrevoir dansant dans un restaurant grec, un peu comme dans un film de Theo Angelopoulos. « Ils se tiennent par les épaules, ils esquissent les pas, ils ne les ont pas oubliés. Le vent redouble, atteint la terrasse, les nappes retenues par des galets se mettent à claquer comme des voiles, les verres se renversent, l’un d’eux se brise sur le sol. Leurs cheveux se plaquent sur leurs visages, les aveuglent, ils sont ivres de vent, de musique et de danse ; ils sont dans un bateau en pleine tempête, comme balancés au-dessus du vide. »


Dominique Aussenac

Quatre murs
Kéthévane Davrichewy
Sabine Wespieser, 180 pages, 18

Chants lointains Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°151 , mars 2014.
LMDA PDF n°151
4,00