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Égarés, oubliés Uchard le sémillant

octobre 2014 | Le Matricule des Anges n°157 | par Éric Dussert

Auteur dramatique et romancier à succès, Mario Uchard (1824-1893) avait l’imagination féconde et le succès volontiers scandaleux.

Mario Uchard était un séduisant personnage, portant moustache sur bouche vermeil, l’œil clair et vif. Mais, on le sait bien, cela ne suffit pas à se frayer la route chez les amateurs de livres. On peut toujours chercher, ses livres n’encombrent pas la librairie moderne, et la librairie d’anciens ne s’en embarrasse pas non plus. Tout comme les histoires de la littérature et les encyclopédies. Mario Uchard ? pertes et profits ! Le journal des Goncourt nous renseigne sur sa mine : il est « maigre et brun, mise anglaise, distingué, un joli œil plein de sourires et de caresses ». Edmond de Goncourt le tient pour un « Scribe fils » et le déclare liseur impénitent  : « Il lit en mangeant, il lit chez les femmes quand il couche, et il m’a avoué qu’il a lu dans son lit pour s’endormir la première nuit de ses noces. » Ce qui va peut-être expliquer ce qui suit…
Né en 1824 à Paris, Uchard est un homme cultivé qui a étudié la gravure, ce qui n’est pas si courant, et la musique. Il démarre sa vie professionnelle comme agent de change et pratique la bourse durant douze ans, de 1846 à 1858 avant de basculer dans le roman et l’ouvrage dramatique. Il se marie en 1853 avec Madeleine Brohan, très belle sociétaire du Théâtre-Français, qui lui donne une fille et abandonne au bout de trois ans sa petite famille, appelée qu’elle est par sa carrière. C’est d’ailleurs au moment d’un séjour de la comédienne en Russie que Mario Uchard s’attire les grâces de la notoriété en donnant en 1857 au Théâtre-Français, précisément, un drame en quatre actes, La Fiammina, qui fait son effet parce que la presse prétend y reconnaître la situation personnelle de l’auteur et de sa théâtrale épouse. Déjà la peoplisation couve… Le succès est exceptionnel, au point de devancer Le Barbier de Séville au palmarès de ce théâtre, de laisser une réplique qu’on parodiera sans fin : « Oh ! merci de cette bonne parole ! », et un plagiat de Victorien Sardou, Odette.
Le critique Albéric Second raconte l’histoire de ce phénomène : « Il y a quatre ans, un homme du monde et une comédienne jeune et belle se rencontrent à un bal donné par M. Roger, le ténor de l’Opéra, dans son délicieux petit hôtel de la rue Turgot. Trois mois après ils se marient (…). Trois années s’écoulent ; le vif azur de leur ciel conjugal s’altère et se trouble ; on convient de se séparer (…). Un an plus tard, l’affiche du Théâtre-Français annonce La Fiammina. La pièce obtient un succès à tout casser (…). À toute force on a voulu voir une autobiographie dans une œuvre où la fantaisie et l’imagination jouent le rôle principal (…). J’ai pour conviction sérieuse que l’auteur a voulu écrire une œuvre dramatique et non pas un plaidoyer. »
Étonnamment, Mario Uchard avait d’abord proposé le sujet à son ami Théophile Gautier, qui ne s’en empara pas. Les deux hommes étaient proches. Ils partageaient maintes agapes comme l’indique ce billet d’Uchard à Gautier de novembre 1867 : « (…) une bande de peintres du cercle ajouteront leurs mâchoires aux nôtres. Sois gentil et viens ».
Pour sa part Uchard donne rapidement à sa pièce un pendant, toujours en quatre actes, Le Retour du mari, joué en mars 1858 dans le même théâtre mais sans le succès de scandale du premier. Ses drames se succèdent avec La Seconde Jeunesse, La Postérité d’un bourgmestre, La Charmeuse, « jouée par autorité de justice », sans son dénouement, à la suite d’un procès avec le directeur du théâtre ! Reste que sa prose n’est pas à négliger. Parce qu’il est un ami de Baudelaire qui publie des articles avec la signature de Mario ou parce qu’Isidore Ducasse semble avoir lu Une dernière passion dont le narrateur, « chevalier des nuages » raconte le retour sous l’orage d’une chasse à l’isard. Un autre de ses romans, Jean de Chazol (1869), inspire Ducasse également. C’est l’histoire d’un complot familial, une substitution d’enfants dont Firmin Boissin rend compte : « Tout irait pour le mieux si le sens moral chrétien illuminait ses œuvres. (…) C’est une création originale que celle de la Viergie, type étrange et diabolique, mélange bizarre de timidités et d’audaces qui font de ce caractère une énigme insoluble. La chevrière de Sévérol, élevée par une Bohémienne, la Mariasse, et par son père putatif Marulas, un fieffé coquin, ne serait autre que la fille de la marquise de Sénozan, tandis que Geneviève, la douce et chaste fille de la marquise, aurait pour mère la Mariasse. » Vient ensuite La Buveuse de perles où l’on peut lire cette fameuse sentence : « Tout homme a dans le cœur un cochon qui sommeille./ Mais à la voix des sens l’animal se réveille. » Enfin, il y a Mon oncle Barbassou (1877) qui réveille la chronique lui aussi, au point qu’Octave Mirbeau doit en prendre la défense contre la pudibonde Revue des Deux-Mondes : « Voyons, Monsieur, aujourd’hui que le père Barbassou a déménagé du bureau de la rue Bonaparte pour promener son turban et ses babouches dans toutes les librairies, raisonnons un peu./ Je vous le demande en toute sincérité, qu’eussiez-vous fait si, un beau matin, votre notaire était venu, gravement, remettre entre vos mains, par vertu d’héritage, la modeste somme de trente-sept millions de francs et un harem tout neuf, composé des quatre plus merveilleuses et plus enivrantes créatures qui soient jamais passées dans les rêves d’opium d’un sultan ? Ajoutez à cela l’eunuque le plus correct, le mieux stylé, le plus glabre, qui ait jamais foulé les rives du Bosphore (…) et, croyez-moi, le métier de sultan qui est, dit-on, si fort en baisse à Constantinople, me paraît encore respectable métier à Marseille, voire au boulevard Haussmann. » Dès lors les éditions se succèdent…
Au terme d’une honorable carrière, Mario Uchard disparut à Paris, le 3 août 1893, un mois après Guy de Maupassant.

Éric Dussert

Uchard le sémillant Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°157 , octobre 2014.
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