S’il est un écrivain « modelé » par l’Ouest américain, c’est bien Wallace Stegner. Né dans une ferme de l’Iowa, il grandit dans plusieurs états de l’Ouest, dont le Montana et l’Utah. Disparu en 1993, il a publié plus d’une soixantaine de romans et d’essais tous dédiés à la défense des espaces sauvages. La publication de ce recueil de douze textes écrits entre 1940 et 1980 permet de découvrir un homme marqué par son enfance et terriblement inquiet quant à l’avenir.
Le premier texte est une lettre émouvante à sa mère, « Lettre, bien trop tard ». Le dernier est un texte militant, « Lettre pour le monde sauvage ». Deux écrits qui jalonnent donc la trajectoire d’un homme jusqu’à son engagement écologique. Les récits autobiographiques alternent avec des passages contemplatifs et des réflexions politiques. Stegner exprime l’intuition d’une perfection initiale du monde : « C’est un paysage de cercles, de rayons, d’exercices de perspective – un paysage de géomètre. » Mobilité du ciel, stabilité de la terre, il est convaincu de la présence d’une harmonie immuable inscrite dans la nature, que l’homme ne cesse de perturber. « Tout paraît inchangé, étonnamment inchangé et pourtant obscurément différent ». Partout il y a des marques de dégradation. Se crée alors en lui un devoir auquel il ne peut se dérober car issu « d’une réminiscence profonde, insoutenable ». Il voudrait voir naître une éthique de la terre : « Il y a eu de la magie ; elle s’est évanouie sous le sol ». Son approche présente des similitudes avec celle des Indiens. Plaidant pour d’autres rapports de l’humain avec la nature que ceux de l’appropriation et de l’exploitation, il nous incite à résister contre cet « enlaidissement progressif » qui ne peut conduire qu’au « déclin de notre santé mentale et de notre joie de vivre ».
Yves Le Gall
Lettres pour le monde sauvage
Wallace Stegner
Traduit de l’américain par Anatole Pons
Gallmeister, 196 pages, 22 €
Domaine étranger Mémoire vive
juin 2015 | Le Matricule des Anges n°164
| par
Yves Le Gall
Un livre
Mémoire vive
Par
Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°164
, juin 2015.