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Domaine étranger Back in black

octobre 2015 | Le Matricule des Anges n°167 | par Eric Bonnargent

L’écrivain afro-américain Paul Beatty revient sur le devant de la scène avec un roman plus provocateur que jamais.

Moi contre les Etats-Unis d’Amérique

C’est sans doute difficile à croire venant d’un Noir, mais je n’ai jamais rien volé. (…) Je n’ai jamais cambriolé de maison. Jamais braqué de magasin de spiritueux. Jamais, dans un bus ou un métro bondé, assis sur une place réservée aux personnes âgées, je n’ai sorti mon énorme pénis pour me masturber à satiété d’un air pervers mais étrangement las. » Dès les premières lignes, le lecteur comprend que l’humour dévastateur de Beatty ne craint ni de se jouer des clichés ni du politiquement correct. Oscillant entre finesse d’esprit et outrance, Beatty relate le cheminement qui a conduit « Bonbon » à comparaître devant la plus haute juridiction des États-Unis, la Cour Suprême, et d’y risquer la peine de mort. C’est à Dickens, la « capitale mondiale du meurtre », une ancienne communauté agraire devenue un ghetto de Los Angeles, que Bonbon a grandi sous la férule délirante de son père qui, plutôt que de le mettre à l’école, s’en est servi de cobaye pour l’éveiller en vain à sa négritude. Après que celui-ci s’est fait abattre par les flics (« ce n’est pas parce que le racisme est mort qu’ils ne tirent plus à vue sur les nègres »), Bonbon n’a plus qu’une obsession : cultiver ses pastèques, ses clémentines et son herbe. Il est pourtant rattrapé par la question de l’identité d’« une race supposée sans race mais que tout individu bien informé saurait très très noire. »
Avec une ironie féroce, Beatty provoque sa communauté qui a bien du mal à se situer dans un pays où les choses n’ont finalement pas tellement changé : « avoir moins peur des chiens est le seul bénéfice tangible que les Noirs ont pu tirer du mouvement pour les droits civiques. » Beatty se moque aussi bien de ceux qui comme son père revendiquent à tout bout de champ leur négritude que des Oreos, ceux qui, tel le fameux biscuit, sont noirs à l’extérieur et blancs à l’intérieur. Le racisme lui-même s’est complexifié car si les Noirs en sont toujours victimes, ils s’entendent maintenant avec les Blancs et même avec les Mexicains de la première génération pour affirmer qu’il y a trop de Mexicains à Dickens ! Bonbon va alors faire deux choses pour tenter de décomplexifier la situation, deux choses qui vont donc le conduire aux pieds de l’échafaud : réinstaurer l’esclavage et la ségrégation raciale ! C’est d’abord un peu malgré lui que Bonbon devient esclavagiste. Le vieil Hominy qui jouait autrefois au cinéma des noirs fainéants et vulgaires, qui, tous les ans pour son anniversaire, demandait à ses amis une agression raciste s’est lui-même décrété esclave. Avec une hégélienne candeur, Bonbon constate que la dialectique du maître et de l’esclave tourne vite à l’avantage de ce dernier car « comme les enfants, les chiens, les dés, les bonimenteurs de la politique, et visiblement les prostituées, les esclaves n’en font toujours qu’à leur tête. » C’est afin de faire revivre Dickens, de la déghettoïser que Bonbon réinstaure la discrimination : au cinéma, dans les bus et surtout à l’école. Grâce à elle, la ville redevient attractive pour les Blancs, l’insécurité diminue et les résultats scolaires de la population noire progressent. Derrière la satire poussée à son paroxysme, Beatty montre bien que seule la mixité sociale peut mettre fin aux problèmes socio-économiques du pays… Vu la situation, Abraham Lincoln se retournerait dans sa tombe s’il voyait que « ceux qu’il a libérés de leurs fers sont maintenant esclaves du rythme, du rap et des comportements prédateurs des établissements de crédit. »
Plus qu’un roman, Moi contre les États-Unis d’Amérique est un pamphlet drôle et salutaire contre les États-Unis, cette nouvelle Rome où l’on est « soit citoyen soit esclave. Lion ou juif. » Brillant.
Éric Bonnargent

Moi contre les États-Unis d’AmÉrique
De Paul Beatty
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Bru,
Cambourakis, 339 pages, 24

Back in black Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°167 , octobre 2015.
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