Resté inédit jusqu’à aujourd’hui mais écrit alors que Georges Perec (1936-1982) était âgé de 21 ans, L’Attentat de Sarajevo flirte avec ce qu’on appelle le roman d’analyse psychologique. Le narrateur y raconte sa rencontre à Paris avec l’historien d’art Branko, puis avec sa maîtresse Mila, dont il tombe brusquement amoureux. Il la rejoint ensuite en Yougoslavie, où elle repousse ses avances avant d’y céder brièvement, ce qui l’incite à se rendre à Sarajevo, où il tente de réunir Branko, sa femme Anna, sa maîtresse Mila et lui-même, afin qu’Anna y commette un attentat et supprime Branko…
Comme on le voit on est loin du Perec virtuose de La Vie mode d’emploi ou du Perec expérimentateur de La Disparition. Et on se demande comment l’ami de toujours que fut pour Perec Jacques Lederer pouvait voir, « sans flatterie », « un petit chef-d’œuvre » dans L’Attentat de Sarajevo. On se rangera plutôt derrière l’avis de Claude Burgelin qui, dans sa préface (très) bienveillante, se réjouit que Perec se soit aventuré ici dans « des chemins qu’il a bien fait de ne plus emprunter » par la suite.
Quels que soient les doutes que l’on ait quant à l’intérêt d’une telle publication, il faut reconnaître qu’on tient là, non pas la pierre de voûte, mais les fondations de l’œuvre. Que l’on peut prendre pour ce qu’elles sont : rien d’autre que des premiers pas, certes un peu maladroits, mais qui ont rendu possible le parcours que l’on connaît. Rien que pour cela, ce récit mérite bien un peu d’indulgence.
Didier Garcia
L’ATTENTAT DE SARAJEVO DE GEORGES PEREC, Éditions du Seuil, 208 pages, 18 €
Domaine français Galop d’essai
juin 2016 | Le Matricule des Anges n°174
| par
Didier Garcia
Un livre
Galop d’essai
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°174
, juin 2016.