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Théâtre Le voyage d’Arlette

juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185 | par Laurence Cazaux

Ou le récit d’une étrange ascension pour tenter d’être à la hauteur de soi-même.

Voilà une pièce très onirique. Son personnage principal, Arlette Biscuit, se promène dans sa mémoire ou sa conscience, accompagné d’un second personnage, Le Récit. Lors d’une scène numérotée zéro, quelqu’un ou quelque chose (qu’Arlette pourrait prendre pour sa mère ou pour la voix de sa mère, nous précise l’auteure), lui intime ceci : « Monte la chercher. Dis-lui qu’vot père se meurt. » Le lecteur ne sait pas qui elle doit chercher, mais Arlette se décide, elle y va. Enfin, ce n’est pas si simple. Une didascalie nous l’indique : « Physiquement Arlette se détermine, elle va devoir franchir un pas. Avant de le franchir, cependant, elle se retourne, comme pour chercher un dernier encouragement, la confirmation que ce qu’elle s’apprête à faire correspond vraiment à ce que l’on attend d’elle. » Et hop, le quelqu’un de la scène zéro s’évapore. Nous sommes dans une sorte de rêve éveillé. Arlette casse une vitre de la dame du rez-de-chaussée et commence à monter les escaliers. On songe à Alice qui traverse le miroir. Ici, il s’agit de monter des marches. Sur les paliers, des portes s’ouvrent, des personnages apparaissent, puis disparaissent en perdant consistance et réalité. Une citation en exergue de L’Oragé de Douna Loup nous avait prévenus : « On existe différemment avec chaque être ». Arlette, elle, se laisse absorber par chaque rencontre. Comme cette amie d’enfance, Ginesse, qui lui propose de boire une bière. Arlette s’embrouille : « En fait, y m’arrive heu un drôle de… Enfin, pas une sale passe dans l’sens “sale passe”, hein. C’est juste ce soir tout à coup c’est un peu, y a un genre d’épreuve qui m’tombe dessus mais ça va et toi ça va ? » Elle arrive à lui dire ce pour quoi elle s’est mise en route : elle doit prévenir sa sœur, Josette Biscuit, que son père est mourant. Stupéfaction de Ginesse qui rappelle à Arlette que sa sœur est morte. Prétextant une grosse fatigue pour partir, Arlette monte en catimini quelques marches supplémentaires et hop, elle arrive tout de même chez sa sœur, très en retard. Cette dernière lui annonce que c’est au mariage de son père qu’elle doit se rendre, pas à son enterrement. Nous basculons dans l’absurde, l’illogique, qui rendent la tâche d’Arlette de plus en plus complexe et ardue. Mais elle continue sa quête ou sa mission, retrouver son père mourant ou en train de se marier, elle ne sait plus. Elle rencontre des bouts de son passé, des fragments de mémoire oubliés, un ancien amant, un ami, sa compagne, la mariée, son père et enfin elle en vieillarde. Elle se bagarre avec un perpétuel sentiment d’imposture ou d’être toujours redevable de quelque chose. Le lecteur se laisse voyager dans cet univers disparate. Le plaisir de la langue contribue beaucoup au plaisir du voyage. Et rend Arlette drôlement attachante. Antoinette Rychner précise : « La langue utilisée, aves ses élisions, ne reflète nullement l’intention de pointer une quelconque classe sociale. Elle est plutôt empreinte d’une sorte d’accent neuchâtelois (de Neuchâtel, canton suisse) librement retranscrit. »
Cela donne des moments savoureux. Par exemple : « J’ai été élevée, mais d’une façon ! Avec la politesse injectée dans l’cul du cervelet – les années punk parjures les serments rebelles ça change que dalle, quand l’mal est fait : j’dis merci j’dis bonjour j’dis si vous plaît si ça vous dérange pas si ça va pour vous c’est gentil escusez-moi comme je respire, à petits pets. » Ou encore : « M’faire chouchouter, en fait j’crois ch’supporte mal. Après, faut dire merci et on sait pas combien d’fois faut l’dire pour être sûr d’l’avoir dit. » Le second personnage, Le Récit, ajoute une couche supplémentaire de décalage dans cette histoire déjà bien déjantée. Pour notre plus grand plaisir. C’est en se voyant vieillarde, ridée comme une vieille pomme, en donnant le bras à sa vieillesse en marche, qu’Arlette saute du bord du toit, pour se retrouver devant l’immeuble du départ, la boucle est bouclée, Arlette est prête à tracer sa route. « Et mai’nant, ma fille, racle-toi la gorge, lace tes chaussures et bon courage Sois digne, ne dégrade personne, tiens jusqu’où tu pourras, feu gaz. »

Laurence Cazaux

Arlette, d’Antoinette Rychner
Les Solitaires intempestifs, 96 pages, 14

Le voyage d’Arlette Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°185 , juillet 2017.
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