La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Les cerfs-volants de feu

septembre 2017 | Le Matricule des Anges n°186 | par Eric Bonnargent

La révolte gronde et le mur qui sépare les deux communautés s’apprête à s’effondrer… Emmanuel Ruben s’impose comme l’écrivain des frontières.

Sous les serpents du ciel

Géographe de formation, Emmanuel Ruben est fasciné par la cartographie à laquelle il a consacré en 2015 un très bel essai (Dans les ruines de la carte) et plus particulièrement par les problèmes posés par les frontières, ces lignes imaginaires qui séparent les hommes et engendrent la violence. Dans La Ligne des glaces, son précédent roman, le jeune diplomate Samuel Vidouble, en mission dans les pays baltes, était chargé de tracer d’impossibles frontières entre l’est et l’ouest, le sud et le nord. On retrouve ici Samuel, vieilli, plus désabusé que jamais, toujours employé par l’ONU, en poste dans un archipel, dans un territoire d’autant plus fragmenté que s’y dresse un immense mur que l’on voit « sinuer à flanc de dune ou de falaise, grimper, redescendre, couper une île en deux, disparaître au fond d’une calanque ou d’un ravin, refaire surface, mur gris, mur couleur de béton, mur très haut, hérissé de corbeaux métalliques et barbelés, ponctué de miradors, redoublé par des grillages et des tranchées ».
Quand ceux qui vivent du côté de la misère veulent le franchir pour rejoindre leur travail ou leurs écoles, ils sont filtrés « comme des carottes et des navets », parqués « comme du bétail ». Le lecteur comprend que cet archipel est le double fictif d’Israël que, dans sa Jérusalem terrestre, Ruben avait qualifié d’« archipel déboussolé où la terre est un mirage ». Du mauvais côté, la violence s’est désubstantialisée : la population est surveillée par des phasmes espions et les suspects, les « terroristes », sont descendus par des drones, des « clébards hybrides » ou des « criquets tueurs ». Ce jour-là, un défilé de femmes affranchies de la domination des hommes, de leurs « barbes hirsutes » et de leurs « sortilèges de gorilles » mène la révolution et franchit le mur. Dans cette tragédie du futur, la voix des femmes se fait entendre ici et là, comme celle d’un chœur antique. Ils sont quatre à assister aux événements, à comprendre que cette date a été choisie en l’honneur de Walid, un adolescent, mort vingt ans plus tôt : Samuel, donc, mais aussi l’ambigu Djibril, le naïf frère Daniel et Mike, l’officiel responsable de la mort du jeune homme. Alternativement, ils parlent de Walid, « le premier enfant des Îles du Levant qui défia réellement le grand barrage. Le premier qui perça la brèche, le premier qui s’infiltra de l’autre côté ; le premier dont l’histoire fut contée dans le monde entier », du gamin qui défiait les autorités, le mur et les éléments avec ses cerfs-volants. D’outre-tombe, Walid prend lui-même la parole, raconte son histoire. Qui était-il ? Un martyr ou un terroriste ? Ses machines volantes avaient-elles d’autres fonctions que poétiques ? Servaient-elles à espionner ? Quoi ou qui ? Servaient-elles à semer la mort ? A-t-il été tué par son propre camp ou par les autorités ? Dans ce cas, n’a-t-il été « qu’une bavure regrettable, comme en commettent toutes les armées du monde » ?
Avec ce récit polyphonique adroitement mené et servi par une écriture élégante, Ruben dépasse tout manichéisme, nous montre que les idéologies, religieuses ou non, nous mènent à notre perte : « C’est Dieu lui-même qui tue, le Dieu des uns et le Dieu des autres ; un Dieu que l’on dit omniscient, omnipotent, omnivoyant, Allah l’omniscient, Yahvé l’omnivoyant, Ingodwetrust l’omnipotent, mais qui n’est à vrai dire qu’un vieux sourd-muet, à moitié débile ou complètement gaga, un aveugle, un châtré qui marche à tâtons dans la nuit, les yeux crevés, en boitillant sur sa canne (…), mais Lui, Il avance toujours cahin-caha, à la fois impuissant et intouchable, et tout le monde s’étripe sur son passage, et Il nous mène droit en enfer. » Et pourtant, l’espoir est permis.

Éric Bonnargent

Sous les serpents du ciel,
d’Emmanuel Ruben
Rivages, 317 pages, 20

Les cerfs-volants de feu Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°186 , septembre 2017.
LMDA papier n°186
6,50 
LMDA PDF n°186
4,00