La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Echo à la voix des mères

septembre 2017 | Le Matricule des Anges n°186 | par Julie Coutu

Une histoire somme toute banale, remarquablement transformée par l’écriture de Brit Bennett, percutante et immersive.

Le Cœur battant de nos mères

C’est curieusement au moment où on s’y attend le moins qu’on réalise à quel point le premier roman de l’Américaine Brit Bennett est un texte viscéral. Comprendre, littéralement : un récit qui prend aux tripes. Sans effets d’annonce, sans rien de spectaculaire, sans prévenir. Juste comme ça, très simplement. La sensation s’impose, brutale, envahissante. Le Cœur battant de nos mères est un roman immersif.
Le sujet n’est pas évident. Une communauté noire à Los Angeles, chapeautée par son église, le Cénacle, et la famille du pasteur Sheppard ; un monde clos, dans lequel rien ne se passe qui ne soit immédiatement observé discuté étudié transformé. Nadia Turner vit là, avec son père, ancien marine. Elle a 17 ans. Elle s’apprête à partir pour l’Université du Michigan. Sa mère s’est suicidée, six mois plus tôt, sans que personne ne sache précisément pourquoi. Et là, dans cet entre-deux, vide de sens, la voilà « mise en cloque par le fils du pasteur ».
Pour tout à la fois offrir le récit et le mettre à distance, Brit Bennett raconte son histoire en utilisant un chœur, façon tragédie grecque revisitée. « Nous », c’est ce groupe de femmes, les mères, âgées, anonymes et omniprésentes, les yeux, les petites mains, les mémoires de la communauté. Invisibles mais jamais très loin. Bonnes ou mauvaises fées. Leur voix structure le texte, introduit chaque chapitre. Elles commentent, critiquent, conseillent, jasent. « Nous lui aurions dit qu’à nous toutes nous avions des siècles d’avance sur elle. Si nous mettions toutes nos vies bout à bout, nous étions nées avant la Dépression, avant la guerre de Sécession, avant l’Amérique elle-même ». Malgré toute cette ancestrale sagesse, elles sont celles par qui le drame arrive : « Tous les grands secrets ont un goût particulier avant d’être révélés, et si nous avions pris la peine de faire tourner celui-ci dans notre bouche, nous aurions peut-être perçu l’aigreur d’un secret pas assez mûr, cueilli trop tôt, chapardé et transmis précocement. Mais nous ne l’avons pas fait. Nous avons partagé ce secret amer. »
Nadia enceinte fait donc le choix d’avorter, une décision qui acte sa rupture avec Luke, le fils du pasteur. Elle passe quelques mois encore chez elle, en attendant son grand départ, et se lie étroitement avec Aubrey, arrivée un jour de nulle part, « apparue un dimanche matin, fille étrange entrée dans le Cénacle avec juste un petit sac à main, et pas même une Bible » et très rapidement devenue indissociable du Cénacle et ses bonnes œuvres. Le récit file entre les mains de ces trois personnages, unis, désunis, le secret venant insidieusement gangrener leurs relations, troubler leur entrée dans l’âge adulte. Au cœur du roman : la figure maternelle. Les mères qui n’en sont plus, celles qui ne l’ont jamais été, les mères malgré elles, les aimantes, les oubliées, les abusives, les tyranniques. Au-delà, la question de la maternité, choisie ou subie, du lien père-fille, des incompréhensions mutuelles, le poids du religieux, du social. De la liberté d’agir, parfois factice. Et tous ses corollaires : culpabilité, honte, responsabilité, courage, respect des conventions, envie, trahison.
Le Cœur battant de nos mères n’est pas précisément un roman féministe. C’est au-delà : un roman de mœurs, le portrait d’une communauté, un roman d’apprentissage, construit autour d’une histoire somme toute banale, mais dont toutes les conséquences seraient envisagées. Avec cette balance, fragile, instable : ne pas réitérer les erreurs du passé ne signifie pas ne pas en commettre. On ne peut prédire les conséquences de ces actes ; simplement, les assumer. Il n’y a jamais de geste anodin. Peut-être même jamais de bons ou de mauvais choix.
Julie Coutu

Le Cœur battant de nos mères, de Brit Bennett
Traduit de l’anglais par Jean Esch, Autrement, 368 p., 20,90

Echo à la voix des mères Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°186 , septembre 2017.
LMDA papier n°186
6,50 
LMDA PDF n°186
4,00