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Théâtre Programme essorage

novembre 2017 | Le Matricule des Anges n°188 | par Patrick Gay Bellile

Quand les hommes et les objets subissent les lois du marché de la société mondialisée. Ou comment s’en débarrasser.

La Neige est de plus en plus noire au Groenland

Il y a tout d’abord le Phoebus-WM-12000, le lave-linge du futur. Connecté, économe et écologique, « le Phoebus-WM-12000 est une véritable révolution dans le domaine de l’électroménager. » Mais les dirigeants de l’entreprise, éparpillés aux quatre coins de la planète, et communiquant toujours par écrans interposés, le trouvent trop cher et critiquent sa durée de vie : « Seize à vingt ans pour un lave-linge, c’est beau, c’est certain mais ça implique un taux de remplacement catastrophique et à long terme, un taux de productivité quasi nul. (…) L’obsolescence, qu’elle soit programmée ou non, est la clef de voûte de notre économie ». Ensuite il y a Carole, une jeune femme ingénieure, dynamique, placée à la tête du service Recherche et Développement et chargée de la mise en œuvre du nouveau lave-linge. Elle devra en limiter les performances pour assurer son remplacement régulier et, par voie de conséquence, les ventes et les bénéfices de l’entreprise. Il y a Sylvain, libraire, navré de voir les livres partir au pilon, à peine imprimés. Près de cent millions chaque année. Et pourtant, « Un livre, c’est plus qu’un objet, non ? On le caresse, on le presse, on le sent. C’est presque un être vivant. » Il y a Louis, l’enfant de Carole et de Sylvain, à qui la maîtresse d’école inculque régulièrement des préceptes écologiques et répète à l’envi qu’ « il s’agit à présent de poser la question du devenir des déchets ».
Et puis il y a Paul, le père de Sylvain. C’est un vieil homme déjà marqué par les outrages du temps. Il perd l’équilibre et la mémoire, ne se souvient plus de son petit-fils et sa machine à laver est tombée en panne… Et il ne souhaite pas la remplacer. Paul se voit et se vit comme un déchet, quelque chose dont on n’a plus rien à faire. Et son fils n’envisage pas d’autres solutions que de le placer, contre son gré, en maison de retraite. Alors Paul va faire cause commune avec son lave-linge et, dans son délire, l’accompagner jusqu’en Afrique. Il se retrouve à Agbogbloshie, au Ghana, dans une immense décharge où aboutissent les rebuts électriques et électroniques de notre société de consommation. Parmi les femmes et les enfants qui récupèrent le cuivre et les autres métaux précieux contenus dans nos appareils, au mépris de leur santé. « Ça a l’air facile comme ça mais en fait c’est très dur. C’est un vrai travail de bête. » Il rencontrera là-bas Ahouefa et Mawuli, ses aides-soignants de la maison de retraite, avant de rejoindre le 7e continent fait de tous les objets en plastique jetés à la mer. Le retour à la réalité après ce voyage halluciné sera difficile…
Le texte de Yann Verbugh pose la question de la durée de vie et du devenir des hommes et des objets, des contradictions permanentes qui existent entre le discours tenu aux enfants et les réalités auxquelles chacun souscrit. Dans quel monde voulons-nous vivre, et que faisons-nous pour rendre ce monde possible ? L’homme est-il jetable, lavable, renouvelable à l’infini ? Faut-il avoir encore de la compassion pour les personnes en fin de vie, ou bien, tels les objets du quotidien, sont-elles inexorablement condamnées au remplacement sans émotion ?
Les scènes s’enchaînent rapidement, comme les différents cycles de lavage d’une machine à laver. Le lecteur est transporté d’un bout à l’autre de la planète, d’un centre de fabrication à Shanghai à un dispensaire en Afrique. Personne ne résiste au tambour de la machine à broyer. Carole perd pied malgré les promotions internes et ne maîtrise plus rien. Sylvain ne sait plus à quoi se raccrocher tant son travail, son couple, son fils semblent inexorablement entraînés vers le néant. Il ne sait plus parler à sa femme, il voudrait tout recommencer, mais le cycle suivant ne lui en laisse pas le temps.
L’écriture de Yann Verburgh nous entraîne elle-même dans ce maelstrom gigantesque dont rien ni personne ne ressort indemne. « Mais tous les déchets n’étant pas réutilisables ou recyclables, il faut éliminer ceux qui restent de manière sécurisée » poursuit la maîtresse. Et c’est sur une plage de l’île de Groix que tout se termine. « FIN DU LAVAGE. (OUVERTURE PORTE.) »

Patrick Gay-Bellile

La Neige est de plus en plus noire au Groenland, de Yann Verburgh
Quartett, 128 pages, 13

Programme essorage Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°188 , novembre 2017.
LMDA papier n°188
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