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Domaine étranger Les vertiges de Somoza

février 2018 | Le Matricule des Anges n°190 | par Thierry Guinhut

Du comportement animal au comportement humain, les ravages du fantastique orchestrés par l’écrivain espagnol.

Fasciné par les virtualités les plus étranges et les plus terrifiantes du fantastique, José Carlos Somoza a qui sait l’ambition de devenir le Stephen King de la péninsule ibérique. Est-ce chose faite avec Le Mystère Croatoan  ? Le récit s’enclenche sur le rythme d’un thriller d’apparence commune pour, peu à peu, prendre une ampleur croissante et inquiétante.
Nous sommes auprès de Madrid, dans un laboratoire forestier où Carmela étudie le comportement animal, plus exactement l’éthologie. Un courriel étrange et posthume de Mandel, son maître de thèse, l’affole. Il est mort depuis deux ans, dans des circonstances psychiatriques troubles et lui écrit seulement « Croatoan ». Mot qui se signala lorsque la population d’un village américain disparut sans suite ni explication. L’enquête scientifique monte en puissance lorsque se croisent d’anciens fidèles du maître, Sergi, fol inoffensif qui veille sur Fatima crispée sur ses poèmes, Logan, le fils sauvage de Mandel… Apparaissent des comportements alarmants : des files, non seulement d’animaux, mais d’humains, d’hybrides et d’humanoïdes porcs, lézards et autres bestioles parcourent les routes, les forêts, sans que rien les arrête. L’homme agit en animal, détruisant les villes, mourant par cargaisons, signant la faillite de toute civilisation, affectant la planète entière. Pire, les cloisons entre vertébrés et invertébrés, jusqu’aux lombrics et bactéries, s’affaissent, affectant monstrueusement les personnages, qu’ils soient soldats de l’État, bientôt dangereusement révoltés, ou complices de Carmela, elle-même harcelée par son amant.
Qui sommes-nous sinon nos comportements ? Le libre arbitre en prend un sale coup lorsque mille animalités nous changent en migrateurs et prédateurs. La nature devient, pour un délinquant homosexuel et revenant de cette métamorphose plus que kafkaïenne, la « Grande Mère  », alimentant les peurs afférentes aux crises écologiques. L’aventure signe « la fin des lois de la nature ». « Virus », « transe » ? L’on peut « se transformer en temple mobile d’êtres aux multiples petits yeux, écorce de chair se décomposant sous les arachnides ». Aussi n’est-il pas étonnant que le nom du professeur Mandel, peut-être à l’origine de cette catastrophe évolutive, soit si proche de Mendel, ce moine botaniste et fondateur de la génétique.
Jouant avec habileté d’un narrateur omniscient, alternant les groupes de personnages dans leur progression vers la catastrophe, ou la sauvegarde d’une humanité capable d’y surseoir, José Carlos Somoza nous enserre le corps et l’esprit avec les barbelés de son récit à suspense, sans que l’on puisse s’en défaire tant que le livre ne s’est pas refermé. En outre, en son roman d’action dont on tirera sûrement un film à grand spectacle, en son « machin éco-punk », il nous pousse à des interrogations plus que troublantes. Que l’humanité puisse être mortelle, soit ; mais que les barrières génétiques entre les animaux et les hommes s’effacent, que la monstruosité physique et comportementale puisse affecter l’animal politique reste une hypothèse complètement folle, mais aussi une potentialité de la nature qui permettrait de douter de la supériorité de la spécificité et de l’intelligence humaine…
Du thriller à l’horror show, Somoza maîtrise avec brio les ressorts du roman gothique, tels que poussés à son acmé par Mary Shelley dans Frankenstein, puis par Lovecraft. Il avait brillé avec Daphné disparue, où la stature de l’écrivain était mise à mal par les prismes du fantastique, il avait failli en s’embourbant dans de lourdes et pâteuses fictions comme La Théorie des cordes, il avait intrigué avec le coffret d’histoires de son Tétraméron, il devient, avec Le Mystère Croatoan, une planète romanesque d’importance dans le cosmos de la science-fiction.

Thierry Guinhut

Le Mystère Croatoan,
de José Carlos Somoza
Traduit de l’espagnol par Marianne Millon, Actes Sud, 416 pages, 23

Les vertiges de Somoza Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°190 , février 2018.
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