Au début, Atrée et Thyeste, les deux frères, torturent puis assassinent leur frère bâtard. Parce que ce serait dommage de devoir partager l’héritage. Et puis une femme entre en scène et raconte : « Au début tout roule / c’est l’eau de rose / les belles paroles à l’eau de rose ». Ensuite, ça se gâte : « Ça met du temps avant d’accepter que c’est toi que c’est bien toi qu’on battait que c’est bien ton corps qui recevait les coups que c’est bien toi qu’on giflait que c’est bien toi la victime ». Et puis revoilà Atrée, scotché à son ordinateur, à qui son voisin rend visite pour le tuer parce qu’il a couché avec sa femme. Qu’il a d’ailleurs pris soin de tuer avant de venir. Mais Thyeste arrive juste au bon moment pour détourner la balle. Atrée s’enfuit, laissant seuls Erope, sa femme, et Thyeste. Qui vont bien sûr coucher ensemble. Mais surpris par le retour d’Atrée, Thyeste s’enfuit tandis que la malheureuse Erope subit la vengeance de son mari. Vengeances, haines, trahisons, infanticide et cannibalisme, Hakim Bah déroule un cycle infernal sur fond de rêve américain et de tentatives pour gagner la green card, celle qui permet de s’installer et de travailler aux États-Unis. Il parcourt pour nous toute une gamme de violences, et il va jusqu’au bout ; et quand le lecteur pense avoir touché le fond, une nouvelle violence surgit, et leur enchaînement semble être sans fin.
Mais Hakim Bah écrit avec du recul et un humour contenu dans la forme d’écriture : toutes les didascalies commentent, décrivent, ou annoncent les faits et gestes des uns ou des autres, et nous racontent ce qui se passe dans leur tête avant qu’ils ne parlent. Ou bien commentent leurs hésitations, leurs scrupules, et leurs pensées secrètes. Son écriture joue avec les boucles, les répétitions, les retours en arrière, elle jongle avec les mots et avec les rythmes. Souvent douce et poétique, elle se fait soudain brutale et crue pour raconter l’horreur. Une écriture rythmique, comme martelant et ponctuant de manière répétitive l’éternelle violence de l’homme contre lui-même et contre les autres. Et pour finir : « Rire d’outre-tombe du fantôme de la mère du frère bâtard. »
P.G.-B.
Tapuscrit Théâtre Ouvert, 136 pages, 10 €
Théâtre Convulsions de Hakim Bah
mars 2018 | Le Matricule des Anges n°191
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Convulsions de Hakim Bah
Par
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°191
, mars 2018.