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Domaine étranger Les contes cruels de Chanelle Benz

avril 2018 | Le Matricule des Anges n°192 | par Julie Coutu

Sur fond de désordres familiaux et de conflits identitaires, Dans la grande violence de la joie met en scène des personnages inoubliables.

Dans la grande violence de la joie

De son expérience au théâtre, elle a gardé un sens certain du dialogue, de la mise en scène. De sa fascination d’enfant pour Billy the Kid, une attirance particulière pour le western. De sa culture britannico-américaine, une écriture au croisement des genres. La découverte de Chanelle Benz dans ce premier recueil de nouvelles, au titre très parfaitement évocateur, s’avère tout particulièrement intéressante. Parce qu’inventive, jubilatoire, fourmillante d’idées. Sur fond de violence larvée, et de familles (dys)fonctionnelles.
Les histoires de Chanelle Benz racontent des fratries, des pères-filles, des mères aussi, et se focalisent sur ce moment, le moment clé d’un récit, celui où : tout va craquer. Un héritage des cours de George Saunders sans doute : trouver le moment M de la nouvelle, celui où tout se cristallise. Il n’y a pas d’autre fil conducteur, au long de ces dix récits. Rien, que la violence, et la famille. Qui fonctionne mal. Pour le reste, Chanelle Benz a choisi la voie, ou plus précisément les voix, de l’expérimentation. Inspirée très directement par le Cartographie des nuages de David Mitchell qui lui a donné l’envie de croiser les genres, de trouver ses messagers.
Lire Dans la grande violence de la joie, rencontrer ses personnages, c’est renouer avec le bonheur de la nouvelle réussie. Celle qui pose son histoire, en quelques lignes, et va au bout de sa dynamique. L’ensemble est original, rapide, éclectique, bouillonnant, d’une remarquable finesse. Surprenant aussi. Qui s’attendrait à son « O saeculum coruptissimum », campé dans une Abbaye de Marston bouleversée par les ordres de Cromwell ? À l’étrangeté de son « Reconnaissance », ovni géographique et temporel sur une terre de poussière ? À la brutalité de « La fille du diplomate » ? À l’ordinaire apparent d’« Accidentel »  ? Les récits s’enchaînent, comme par jeu, avec caisse de résonance, échos croisés, ruptures, franches, brutales. En multipliant les genres et les voix, Chanelle Benz structure un étrange recueil.
Dans la grande violence de la joie propose ainsi du western, du thriller, de l’espionnage, du presque théâtre, de l’anticipation, de l’Angleterre du XVIIe siècle (ardu travail de traduction). Surtout, chacun des textes ouvre de petites bulles d’espace, d’expression, à des personnages qu’on entend trop rarement. Dont on ignorerait presque l’existence, à force de les reléguer dans leurs ombres. Chanelle Benz accorde donc une attention toute particulière aux histoires non racontées, marginalisées, condamnées à la disparition. On pense à Adela, « bâtarde noire » d’une farce théâtrale absurde et bavarde orchestrée par une troupe d’enfants maléfiques. Ou bien à Orrinda Thomas, l’esclave poétesse qui se croyait libre. À Robert et Izabel, les enfants de « la pute de la ville ». À Emmeline et ses enfants morts. À Lavinia Belle la pendue. À Lee, l’homme perdu. On n’en lâcherait aucun.
Chanelle Benz questionne sans relâche les moments de bascule et revient encore et encore sur des positionnements identitaires : l’être au monde, la couleur de peau, le statut et parfois l’existence même de la femme, le bien-fondé des droits ou condamnations de naissance des uns et des autres. Les récits se suivent sans jamais se ressembler. Tous apportent leur dose de fraîcheur, et à la violence circonstancielle répond une bonne dose d’amoralité. Dans la grande violence de la joie est un recueil immersif, jouant des mots, des personnages, des époques, des lieux, pour un tableau tout en finesse de l’âme humaine et ses travers. Féroces, les textes tournent et détournent des situations qui parfois confinent au féerique ; une histoire de déréalisation du monde, transformé, transporté, raconté autrement. Un roman est à suivre, qu’on attend avec impatience.

Lucie Coutu

Dans la grande violence de la joie,
de Chanelle Benz
Traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner, Seuil, 256 pages, 20

Les contes cruels de Chanelle Benz Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°192 , avril 2018.
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