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Théâtre Musique au cœur

mai 2018 | Le Matricule des Anges n°193 | par Patrick Gay Bellile

Une traversée lumineuse, en compagnie de Jean-Jacques Lemêtre, d’un monde éminemment sonore, le théâtre.

Jouer avec la musique : Jean-Jacques Lemêtre et le Théâtre du Soleil

Tous ceux qui ont assisté, ne serait-ce qu’une fois, à un spectacle du Théâtre du Soleil, ont en mémoire la place prépondérante tenue par la musique. Elle est présente, constamment. Elle accompagne les entrées, les sorties, les drames et les changements de situation, elle raconte l’histoire, mais à sa manière, devançant parfois les événements à venir, détaillant le caractère joyeux d’un personnage ou révélant les turpitudes d’un autre. Elle est le théâtre. Et ils n’oublieront pas le grand homme barbu entouré de ses centaines d’instruments, plus étranges les uns que les autres, œuvrant à la vue de tous, travaillant physiquement et parfois violemment, tel le forgeron des mythologies anciennes, pour créer cette parole sonore qui en dit long : Jean-Jacques Lemêtre.
C’est à lui que les éditions Actes Sud consacrent aujourd’hui un livre important. Important parce qu’il n’est ni la simple biographie d’un musicien hors pair au parcours original et d’une richesse incroyable, ni l’histoire d’une troupe de théâtre, fondée par Ariane Mnouchkine, qui marque depuis plus de cinquante ans le monde des tréteaux. Il est tout cela à la fois, et beaucoup plus. L’auteur, Pierre Longuenesse, prend à bras-le-corps tout ce que l’on voit et entend sur une scène : la voix des comédiens, leur respiration, la pulsation des corps, l’intensité des regards, les circulations dans l’espace, mais aussi les mouvements des tissus et des décors, le bruissement des étoffes, tout cela pour nous raconter comment la musique est au cœur de ce théâtre-là. Le chapitre consacré aux rapports entre la voix du comédien, le sens et le rythme des mots, et les sons produits par le musicien est tout à fait formidable. À la fois très savante car il y est question d’accentuation suivant les langues, de prosodie grecque, de rythmique liée à la traduction, mais aussi très concrète, énonçant des principes de jeu qui sont d’une évidente simplicité : « L’acteur ne parle pas en bougeant, ne bouge pas en parlant. Il vit, il se meut, puis s’immobilise en une station dynamique, souvent face au public, pour prendre la parole. »
En se proposant de parler de musique, l’auteur bien sûr parle de théâtre, de tout le théâtre, puisque la musique en est un élément constitutif et non une simple illustration ou un accompagnement sonore. À travers le parcours de Jean-Jacques Lemêtre, raconté depuis l’enfance, il nous montre comment la musique a pris petit à petit mais très tôt toute la place dans ce grand corps breton pour en devenir là encore un élément constitutif. La musique, mais toutes les musiques : traditionnelles, contemporaines, régionales, venues de tous les coins du monde, produites de toutes les manières possibles, instrumentales, vocales, corporelles ou électro-acoustiques. À 17 ans, il découvre l’univers de Moondog, le grand musicien toujours vêtu en Viking qui créait des attroupements à New York dans les années 50 en chantant et en jouant d’instruments de musique bizarres. Et le musicien se passionne, forcément, pour les instruments qui produisent ces sons ; au point d’en inventer lui-même pour obtenir ceux qui lui manquent. « On comprend, de fait, pourquoi son atelier contient aujourd’hui plus de deux mille huit cents instruments ; lorsqu’on y pénètre, on y sent une atmosphère qui tient à la fois du grenier de rêve et de la caverne chamanique : tout y est jeu de construction, et en même temps tous les instruments transportent avec eux le fantôme d’une voix, d’un corps, d’une histoire.  »
Mais il ne garde pas tout cela pour lui. Et la seconde partie du livre, intitulée « Jean-Jacques Lemêtre pédagogue », reprend en détail les exercices et la méthode suivie par le musicien lors des sessions de formation qu’il encadre à travers le monde. Destinées à faire comprendre que le théâtre est un tout, qu’il part du corps de l’acteur, corps mobile et corps sonore, pour porter une histoire et raconter encore et encore le destin amoureux et tragique des hommes : « La musique de théâtre n’accompagne pas, elle n’illustre pas, elle ne décore pas, elle est la voix qui dit au personnage errant dans le théâtre : je t’écoute, je t’entends, je transforme tes cris, tes grincements, ta douleur, tes angoisses, en tempêtes majestueuses. »

Patrick Gay-Bellile

Jouer avec la musique : Jean-Jacques
Lemêtre et le Théâtre du Soleil

de Pierre Longuenesse
Actes Sud-Papiers, 272 pages, 21

Musique au cœur Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°193 , mai 2018.
LMDA papier n°193
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