Un bel après-midi d’été, un rien de mistral, un mégot mal éteint… et c’est l’accident bête. De mauvaise décision en mauvaise décision, un couple de promeneurs se retrouve talonné par l’incendie qu’il a lui-même provoqué.
Plein d’enthousiasme, l’éditeur attribue l’ampleur d’une tragédie grecque à ce roman initialement paru chez Denoël en 1953. Sans le suivre jusque-là, on concédera qu’il respecte en tout point la règle des trois unités : extrêmement ramassée dans le temps et l’espace, l’action ne laisse d’autre échappatoire que de presser le pas et la lecture vers un dénouement que rien, jusqu’à la dernière page, ne laisse présager. On a littéralement le feu aux fesses, à l’instar de Suzanne et de Louis, dont la fuite éperdue, d’engueulades mesquines en bouffées sentimentales, ne cesse de zigzaguer entre aveuglement volontaire et brusques éclairs de lucidité. Le parti pris est réaliste, un rien célinien même dans la peinture de la veulerie, et s’il est permis de trouver chez ces deux-là de la bassesse, c’est avec toute la mauvaise conscience de qui ne se sait pas foncièrement meilleur, en évitant de trop se demander ce que l’on ferait à leur place.
Victor-Marie Lepage, de son vrai nom de probable ex-milicien et gestapiste, utilisa dans sa carrière subséquente un nombre considérable de pseudonymes, dont le plus connu reste celui d’Ange Bastiani, sous lequel il écrivit tout un boisseau d’histoires de truands corses pour la Série noire et la collection « Un mystère » aux Presses de la Cité. Il est généralement de bon ton de distinguer cette production « alimentaire » de ce qui, chez lui, relèverait de la Littérature et serait signé Maurice Raphaël. C’est pourtant bien un authentique roman noir que ce Feu et flammes. Noir de fumée, s’entend, et plus porté sur le roussi que sur la rousse, mais tout aussi vif et sans fioritures et haletant qu’un Fleuve noir de la grande époque, n’en déplaise aux thuriféraires un rien carbonisés de la hiérarchie des genres.
Yann Fastier
Feu et flammes de Maurice Raphaël
Finitude, 184 pages, 17 €
Domaine français Feu et flammes
mai 2018 | Le Matricule des Anges n°193
| par
Yann Fastier
Un livre
Par
Yann Fastier
Le Matricule des Anges n°193
, mai 2018.