Fondre est une commande d’écriture du collectif Troisième Bureau de Grenoble pour une mise en lecture par des lycéens dans le cadre du festival Regards croisés. Guillaume Poix, jeune auteur et metteur en scène de 32 ans, nous offre un texte très court et épuré. Son sous-titre est explicite : « Partition ouverte pour des jeunes gens qui ont froid ». Le texte n’est pas distribué, les adolescents peuvent donc être plus ou moins nombreux selon les propositions scéniques. L’auteur imagine une sorte de fin du monde. C’est la nuit, le temps s’immobilise, il fait très froid, chaque voix de la partition est figée sur un bout de banquise à la dérive. Impossible de se repérer, impossible de bouger, sous peine de voir la glace se fissurer et de couler. La parole est entrecoupée de silences qui alternent avec des sons de déchirure, « comme si une membrane cédait ». Au fur et à mesure de l’avancée de la pièce, les voix semblent de moins en moins nombreuses. Jonas et Sofia, les deux seuls nommés, ne répondent plus, ont-ils coulé, ont-ils dérivé ? Le lecteur a l’impression qu’il n’en reste plus que deux qui vont finir par se rejoindre pour tenter d’avoir chaud, quitte à sombrer ensemble. On pense au Radeau de La Méduse, au mythe de Jonas ou au Titanic. Cette proposition est une belle métaphore de notre monde. La situation des migrants qui cherchent un Eldorado au péril de leur vie est clairement évoquée « - t’as dit faut sortir des conteneurs une fois qu’on est en mer et sauter sur les bouts de banquises qui dérivent. (…) - T’as dit que caché.e.s dans les conteneurs, on allait se faire repérer au moment du déchargement sur le port. - T’as dit que c’était plus sûr de passer par les bouts de banquise. - Qu’on entrerait sur le territoire sans danger. - Sans être vu.e.s - Qu’on s’en sortirait. »
Mais la banquise qui fond raconte également le réchauffement climatique et notre monde à la dérive avec le retour du chacun pour soi, comme dans un naufrage.
L. Cazaux
Fondre, de Guillaume Poix
Éditions Théâtrales, 46 pages, 6 €
Théâtre Fondre
septembre 2018 | Le Matricule des Anges n°196
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°196
, septembre 2018.