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Domaine étranger En quête de salut

janvier 2019 | Le Matricule des Anges n°199 | par Eric Bonnargent

Paru en 1967, Clair obscur s’inscrit dans la droite ligne, sauvage et désespérée, de Sale temps pour les braves, le chef-d’œuvre de Don Carpenter.

Né en 1931, Don Carpenter s’est donné la mort en 1995, un peu plus de dix ans après le suicide de son meilleur ami Richard Brautigan. Si l’auteur de La Pêche à la truite en Amérique est depuis longtemps considéré en France comme un classique des lettres américaines, Don Carpenter est longtemps resté méconnu : ce n’est qu’au début des années 2000, en effet, que les éditions Cambourakis ont commencé à traduire l’œuvre de cet écrivain majeur. Lorsque Clair obscur s’ouvre, Irwin Semple s’apprête à sortir de l’hôpital psychiatrique de Cannon, une petite ville insignifiante, où il est resté enfermé dix-huit ans. Un peu à la manière de son ami Ken Kesey dans Vol au-dessus d’un nid de coucou (1962), Carpenter en profite pour brosser des portraits de pauvres bougres aussi pathétiques qu’attendrissants et surtout pour décrire l’inhumanité de l’univers psychiatrique. Enfermé dans l’aile des patients violents, « Semple n’était ni fou ni idiot, même s’il lui arrivait de passer pour l’un ou l’autre, ou les deux, mais de fait, il n’était pas non plus sain d’esprit au sens habituel du terme ». Longtemps incapable de bredouiller autre chose que des sons inintelligibles à chaque fois qu’il tentait de parler, il a été soigné à coups de chaussettes remplies de paillettes de savon ou de bains brûlants. Il ne s’est calmé qu’après dix ans, qu’après avoir compris que « les patients devaient faire preuve de patience s’ils voulaient ne plus être des patients », que cette patience devait être utilisée « comme une arme, non seulement contre l’institution mais contre lui-même ». Libéré « parce qu’ils ne pouvaient pas le soigner et qu’ils avaient besoin de place », Semple va devoir réapprendre à vivre.
Avec un art de la construction parfaitement maîtrisé, Carpenter nous parle de la solitude et du processus de réadaptation de son personnage, tout en revenant sur l’origine du drame dont l’épilogue va bientôt se jouer. Semple a grandi dans une famille de « cassos » alcooliques, sans jamais savoir que ceux qu’ils prenaient pour ses parents étaient en réalité ses grands-parents et que celle qu’il prenait pour sa grande sœur était sa mère. Malgré son visage disgracieux ravagé par une acné purulente, malgré ses dents pourries, Semple était persuadé d’être l’un des plus beaux garçons de son lycée, d’être un dur entouré d’amis. Il ne se rendait donc pas compte de son statut de souffre-douleur, bien au contraire : les moqueries, les humiliations et même les coups dont il était victime lui semblaient n’être rien d’autre que des témoignages d’amitié : « oh, il savait bien que tous les garçons lui cherchaient des noises parce qu’il était facile à battre, mais il comptait comme des victoires les fois où il ne saignait pas ; l’adversaire qui n’arrivait pas à faire gicler le sang de son nez ou de sa bouche n’avait rien gagné. » Si certains de ses bourreaux avaient parfois un peu pitié de lui, ce n’était pas le cas d’Harold, une petite brute arrogante, un fils de riches qui maltraitait tous ceux qu’il jugeait indignes de lui, en particulier les jeunes filles qu’il n’hésitait pas à violer et à refiler à ses amis. C’est cet Harold qui a été responsable du terrible événement à l’origine de l’incarcération de Semple, cet Harold qu’il va rapidement croiser par hasard dans la rue après sa libération, qui va lui mettre une pièce dans la main alors qu’il la lui tendait pour le saluer, cet Harold qu’il va suivre et dont il va épier l’intimité tous les soirs à travers les fenêtres allumées de sa grande maison où il vit auprès d’une magnifique épouse qu’il trompe allègrement, une épouse qui va faire fantasmer Semple…
Plus le lecteur progresse dans le roman plus la tension augmente et si le drame est inévitable, il se déroulera de manière totalement inattendue. Avec son écriture sèche et vivante, sans fioritures, Don Carpenter signe avec Clair obscur un roman magistral où il s’est une nouvelle fois attaché à nous montrer toute l’humanité de ces laissés-pour-compte que ceux qui ont réussi qualifient de paumés et de débiles. Éric Bonnargent

Clair obscur
Don Carpenter
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy
Cambourakis, 208 pages, 20

En quête de salut Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°199 , janvier 2019.
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