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Domaine étranger Une adolescence américaine

septembre 2019 | Le Matricule des Anges n°206 | par Lionel Destremau

Avec son troisième opus paru en traduction française, un autre registre littéraire se dévoile dans l’œuvre de Joe Meno : le roman d’apprentissage.

La Crête des damnés

Joe Meno change de braquet… tout au moins l’ordre de parution de ses romans en France pourrait en donner le sentiment. Après le Blues de la Harpie (datant initialement de 2001), les éditions Agullo ont fait paraître Prodiges et miracles, titre beaucoup plus récent (2015 aux États-Unis), et voici que sort La Crête des damnés, lequel a été publié en 2004 à l’origine. Le lecteur qui aura pu être séduit en particulier par son deuxième roman paru en France risque d’être surpris, tant le style tout comme l’univers romanesque sont différents. Pas d’évocation à la Faulkner ici, ni d’ambiance noire, et une écriture sensiblement plus sèche, tout en ouvrant la voie à des passages burlesques. La Crête des damnés est un roman à double entrée, à la fois récit juvénile moderne, sorte d’Attrape-cœurs des années 90 dans la banlieue sud de Chicago, et plus largement un roman punk, pétri d’un esprit de révolte adolescente et d’un univers musical omniprésent.
Brian Oswald a 17 ans, termine le lycée dans une école catholique, aime le metal, AC/DC et Metallica en tête, et les jeux vidéo, est obsédé par les filles, le sexe, se rêve musicien de rock, se cherche et… a bien du mal à se trouver. Grâces et contradictions d’un adolescent qui se retrouve face à un dilemme : peut-il se permettre d’être amoureux de sa meilleure amie, Gretchen, fille aux cheveux roses, en surpoids, qui aime les Clash et les Ramones, se bat avec les autres filles, n’a pas la langue dans sa poche, et n’a d’yeux que pour Tony Degan, malabar abruti de 26 ans et accessoirement suprémaciste blanc ? Et surtout, finira-t-il par avoir le courage de l’inviter pour être sa cavalière au bal de Homecoming ? Sur cette trame simple, Joe Meno tisse un profond roman d’apprentissage, explorant les émotions incertaines qui assaillent Brian, ses questionnements et ses atermoiements, ses idées improbables, ses amitiés fluctuantes, brisées ou naissantes, ses expériences qui vont peu à peu contribuer à lui forger une identité. Avec en arrière-plan une vision de la société américaine, que ce soit dans un certain racisme ordinaire ou dans les motifs d’un classement social (quartier, vêtements, voiture…), exacerbée par le prisme de ses traditions, comme ce bal de promo qui cristallise chez les jeunes tous les fantasmes et toutes les peurs, une sorte d’acmé dans le passage de l’enfance à la vie adulte, avec tout le poids du jugement et du regard des autres sur soi. Et dans la foule des personnages secondaires qui tournoient autour de Brian et Gretchen, le contrepoids des univers familiaux vient livrer une autre part de l’histoire identitaire de chacun, père ou mère défaillants, veuvage ou remariage, tout événement de la vie ordinaire qui impactera ces enfants à un moment où eux-mêmes sont en quête de réponses.
La clé de la réussite du roman tient sans doute beaucoup à un moment de l’histoire sociale et musicale choisi comme cadre narratif, celui des cassettes audio. Dans ce début des années 90, la cassette vierge, sur laquelle on peut enregistrer ce qu’on veut, permet aux jeunes de créer des mixtapes. Ces compilations deviennent une forme de communication générationnelle, un ensemble de morceaux choisis reflétant un état d’esprit, un sentiment : une déclaration d’amour ou un cri de colère jeté à la face du monde. Punk, metal, rock… les chansons émaillent le roman comme une formidable bande-son accompagnant les péripéties et déboires du jeune Brian qui cherche autant à s’intégrer qu’à se démarquer. Et ce, non sans provoquer quelques passages cinglants : « les punks me faisaient en général royalement chier, avec leurs crêtes iroquoises vertes, leurs jeans déchirés, leurs épingles à nourrice, leurs piques (…) ils étaient censés ressembler à des clochards – crados, déglingués, crouteux – mais si vous avez déjà attendu une fille qui s’habille comme ça, eh ben ça prend des plombes parce que tout est soigneusement calculé. »
Lionel Destremau

La Crête des damnés, de Joe Meno
Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Estelle Flory, Agullo, 244 pages, 22

Une adolescence américaine Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°206 , septembre 2019.
LMDA papier n°206
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