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Théâtre « La vie c’est l’attente »

novembre 2019 | Le Matricule des Anges n°208 | par Patrick Gay Bellile

Dans cette pièce de jeunesse, Jean-Luc Lagarce nous livre une version intime et féminine de la grande épopée d’Homère.

Jean-Luc Lagarce a 21 ans lorsqu’il écrit et met en scène, pour sa compagnie amateur La Roulotte, ce texte librement inspiré de l’Odyssée d’Homère. Nous sommes en 1978. La pièce sera jouée avec succès l’année suivante. Et quarante ans plus tard, la voilà publiée. Elle est l’une des toutes premières écrites par l’auteur et contient déjà les thèmes et les obsessions qui traverseront son œuvre. L’Odyssée de Jean-Luc Lagarce, c’est d’abord une attente : celle des femmes grecques espérant le retour des hommes partis combattre à Troie. Et que cette attente vieillit inexorablement. C’est aussi une absence, une solitude, le sentiment du temps qui passe. C’est l’espoir aussi, qui paraît-il fait vivre, mais ne saurait pourtant freiner le mouvement qui mène inéluctablement à la mort. Et ce sont les femmes qui racontent : Pénélope bien sûr, l’épouse fidèle, mais aussi Circé, la sorcière, Calypso la nymphe et Nausicaa, fille d’un roi. Elles forment le chœur qui ouvre la pièce et transforment l’épopée d’Homère en une sorte de journal intime à plusieurs voix. Toutes pensent à « ce bonheur qui aurait pu être », à cet hypothétique et impossible retour. Au centre, Ulysse, toujours en partance, veut revoir son fils Télémaque, resté là-bas en Ithaque et qui songe déjà lui-même à partir, au grand désappointement de sa mère.
Ce déséquilibre permanent qui, à peine suscitées les plus folles espérances, les détruit inexorablement rythme le récit à la manière d’une horloge ; alternant les départs et les arrivées. Ulysse accomplit son destin : il est un homme, un héros, il fait la guerre, il doit partir. Et le temps n’a pas de prise sur lui. Sur les conseils de Circé, il descendra aux Enfers, rencontrera des femmes mortes de chagrin, d’amour, assassinées, violées, brutalisées, suicidées, désespérées. Il remontera et poursuivra sa route, lui l’absent. Absent pour son fils, absent pour sa femme et pour celles qu’il rencontre. Il reviendra bien sûr, vingt ans plus tard. Mais vingt ans c’est long. La guerre est finie et le retour ne se fait pas sans mal. Ponctué d’embûches, d’arrêts qui pourraient être définitifs, mais toujours il repartira car là-bas Pénélope attend : « Si l’on me demande un jour : “Qu’est-ce que la vie ?”, je dirais que la vie c’est l’attente ».
Ulysse aime Pénélope. Il rêve peut-être de finir tranquillement ses jours auprès de l’épouse aimée, mais vingt ans plus tard, sont-ils les mêmes ? Est-ce que cette fuite perpétuelle d’une femme à l’autre, d’un pays à l’autre, n’est pas le moyen de tenter d’échapper à la mort ? Et se fait-elle, la femme, encore des illusions ? « Je ne sais plus rien faire que des pas lents de rocher en rocher (…). J’ai épuisé la vie à deviner ton corps et ton retour. » Il est le héros d’une histoire pleine de bruit et de fureur. Elle est la conscience du quotidien, de cette petite vie qui tranquillement s’écoule et l’emmène vers sa fin. Et lorsqu’ils se retrouvent à la dernière scène, « Ulysse est jeune sous ses habits de mendiant. Pénélope est vieille et fatiguée. »
Jean-Luc Lagarce a cristallisé la grande épopée homérienne en un récit d’une quarantaine de pages, composé de 18 petites scènes courtes, écrites dans un langage très quotidien bien éloigné du lyrisme de l’œuvre d’origine. Des petites scènes dont les titres simples et explicites, par exemple, « L’attaque des prétendants », « La tempête », « Ulysse chez Circé », résument pour ainsi dire l’action. L’ensemble se présente comme ce qui s’appelle, en cuisine, une réduction : le volume diminue, la concentration augmente, la texture change, et l’histoire imaginée par Homère nous apparaît soudain comme une illustration évidente du tragique essentiel de la vie : « Les hommes et les femmes meurent de faiblesse et d’attente. Ils meurent de l’espoir qui disparaît » dit Télémaque.

Patrick Gay-Bellile

Elles disent… l’Odyssée,
de Jean-Luc Lagarce
Les Solitaires intempestifs, 80 pages, 14

« La vie c’est l’attente » Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°208 , novembre 2019.
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