Journaliste et romancier lituanien, Valdal Papievis voit pour la première fois l’un de ses romans traduit en français. Ce livre, c’est Un morceau de ciel sur terre, récompensé en 2011 dans son pays par la double remise du Prix du livre le plus créateur et du prix du Meilleur roman lituanien de l’année. Notées ces promesses redoublées, le livre ne paraîtra pas trop dépaysant au lectorat français qui retrouvera en ses pages le Luberon et les alentours de Vaison-la-Romaine, région où s’exile un temps le narrateur à la suite d’une rupture amoureuse. Délaissant la capitale endormie, il s’éloigne en se posant là où il lui sera possible de fuir autant qu’il le peut lui-même et les autres, tout en pratiquant son activité préférée, la marche, sa bouée de sauvetage mentale.
Apparemment missionné par son journal pour enquêter sur les feux qui ravagent chaque été la région, il ne peut faire autrement que d’entrer en contact avec d’autres êtres assez solitaires eux aussi. Mais la communication est un art que les individus ne maîtrisent pas tous également, et il en est de même pour les gens de plumes… « – Vous savez, parfois je pense que les mots ne sont que trompeurs. Qu’il faudrait ne pas du tout parler. Que le fait de parler, c’est une symétrie à l’envers. En réalité, il n’y a pas de pays au monde que je connaisse ni de personnes à propos desquelles je pourrais dire quelque chose de vrai. Je ne fais que marcher. Je marche et marche.
Et il ajoute pour lui-même : « Devant moi, s’ouvrent des pages de livres dont je ne connais pas l’écriture. » »
Si le style du livre peut au détour de plusieurs pages évoquer en même temps Marguerite Duras (dialogues) et Annie Ernaux (milieu et enjeux), le roman a cette particularité de paraître s’épanouir dès lors qu’il est question de sa pratique assidue de marcheur qui, en le menant bien loin parfois, lui procure un oubli de soi total, rédempteur et promesses de beautés à venir. Puisque, contrairement à ce qu’imagine le narrateur, toutes les beautés du monde ne sont pas flétries.
Éric Dussert
Un morceau de ciel sur terre, de Valdas Papievis,
traduit du lituanien par Caroline Paliulis,
Le Soupirail, 190 pages, 21 €
Domaine étranger Marcher, dit-il
mai 2020 | Le Matricule des Anges n°212-213
| par
Éric Dussert
Un livre
Marcher, dit-il
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°212-213
, mai 2020.