Rien n’est plus stimulant que la curiosité de l’appétit », écrit le bourlingueur Patrick Cadour dans son non moins stimulant De rades en comptoirs, consacré aux produits de la mer, qui paraît ces jours-ci. À l’Épure, l’appétit vient en voyageant. Et en innovant. La jolie collection « Dix façons de préparer », qui décline dix recettes autour d’un aliment, est le produit phare de la maison. Plus de 300 titres – dédiés, selon les goûts, à l’endive ou au pesto, à la courgette ou au pied de cochon – fabriqués à l’ancienne. Mais le catalogue recèle d’autres ressources : manifestes, chroniques, récits, aventures vinesques, portraits de chef étoilé, BD, carnets de voyage, livres de patrimoine. Quand le bien manger s’accorde avec le bien écrire.
Architecte de formation, Sabine Bucquet-Grenet, 58 ans, est née en Haute-Saône, le pays de la « cancoillotte », d’un père pilote de chasse et d’une mère « intello », mais situe ses racines à l’île d’Yeu, fréquentée depuis l’enfance. Elle avoue une passion pour Topor, Desproges et Vialatte. Ce qui renseigne sur l’esprit de l’Épure : décalé, facétieux, voire irrévérencieux. L’Épure cultive la bonne chère et le second degré, des projets atypiques et le plaisir des formes. En toute liberté.
Sabine Bucquet-Grenet, comment passe-t-on du métier d’architecte à celui d’éditrice culinaire ?
J’ai travaillé six ans après l’obtention de mon diplôme dont deux années sur le chantier de la Grande Arche de la Défense. Ce fut une expérience incroyable. Mais il y avait trop d’architectes sur le marché à cette époque, et le ministère de l’équipement a proposé des parcours en alternance pour se réorienter. J’ai postulé à la formation « Architecture, communication, médias ». Je me suis donc formée auprès de graphistes, photograveurs, imprimeurs et papetiers. C’est ma rencontre avec Pascale Blin, journaliste spécialisée en architecture, qui va donner vie à cette aventure éditoriale. Nous avons créé l’Épure en septembre 1991. L’ambition était de réunir dans une même maison les métiers d’art : l’architecture, le stylisme, le design… mais aussi la cuisine, que l’on considérait comme un des Beaux-Arts. Après quelques années difficiles, on a su imposer ce catalogue atypique. Malheureusement, en mai 2002, nous avons perdu tout notre stock (56 000 livres) dans l’incendie des entrepôts de notre distributeur Les Belles Lettres. Une réelle catastrophe. Je me suis alors recentrée, seule, sur le catalogue cuisine, mais en lui donnant une identité et un style affirmé. Mon envie était déjà de publier des livres de cuisine et non des livres de recettes, des ouvrages où la construction réside davantage dans la mise en avant d’un texte. Pour marquer ce tournant, j’ai choisi de rééditer Recettes immorales de Manuel Vásquez Montalbán.
Progressivement, la ligne éditoriale va s’émanciper. Mais il aura fallu dix ans pour que je trouve une légitimité à publier de la littérature. C’est ainsi qu’est née en 2011 la collection...
Éditeur Lectures nourricières
juillet 2020 | Le Matricule des Anges n°215
| par
Philippe Savary
Créées il y a trente ans, les éditions de l’Épure font dialoguer les arts et la cuisine. Quand la gastronomie est source d’énergie et d’inspiration.
Un éditeur