La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Un chant des paroxysmes

avril 2022 | Le Matricule des Anges n°232 | par Richard Blin

Dans un livre posthume, Dominique Preschez nous donne quatorze histoires hantées par la malédiction d’écrire, l’irrémédiable et le goût de l’absolu.

Leçon de ténèbres

Entrée dans sa propre nudité, une voix module ce qui ne peut être dit que dans le vertige de sa mise en abyme et par le recours aux ténèbres. Une voix qui entre en communion avec la nuit, ne cesse d’approcher le scandale de la vérité du désir de l’Homme, de montrer que la monstruosité de certains actes ne se situe pas hors de l’humain mais représente l’une de ses potentialités terrifiantes. Déployant sa petite musique au fil de quatorze dits et récits, elle mêle l’autobiographique, le fantastique et le journal intime pour essayer de dire au mieux la blessure insupportable du tragique de la vie, la dualité du désir et de l’inavouable, la part de nuit, de mal et d’impensé qui fait que la littérature, loin d’être une vocation, est parfois une malédiction.
D’où des récits qui font acte radical de révolte, explorent ce qui lie l’homme au diable, gravitent autour de la sexualité et de ce que Marcel Moreau appelait la « criminescence ». À travers les épreuves suffocantes du souillé, du sauvage, du monstrueux, qui sont celles que doivent affronter des personnages s’éclairant au soleil de leurs pulsions les plus enfouies – et dont l’esprit a atteint ce point d’où le Bien et le Mal cessent d’être perçus contradictoirement –, c’est le lieu d’angoisse où se noue sa parole, que sonde Dominique Preschez. Artiste atypique et pluridisciplinaire, né en 1954 et décédé en avril 2021, il fut compositeur – d’œuvres sacrées, de musique de chambre, de symphonies… –, organiste et écrivain, son œuvre littéraire allant du poème au roman et de l’essai au théâtre.
Toujours en quête du difficile équilibre entre la violence et la douceur dans leur complémentarité improbable, il décline, dans Leçon de ténèbres, une vision du monde où la transgression des tabous de toutes les morales semble procéder d’une sorte d’érotisme sacré. Derrière la mise en musique de la mort, et son écriture (car on désarticule, on désosse, on démembre, et qu’importe si la scie égoïne est maniée « avec une grâce sans retour pareil à un glissando de harpiste »), se dessine ce qui ressemble à une tentative de transsubstantiation de l’horrible en sacré, c’est-à-dire en un au-delà que la parole elle-même ne peut pas saisir.
Car l’écriture, ici, ne se réduit pas à dire ce qu’elle exprime. Elle cherche à donner un sens aux expériences négatives et meurtrières, et ce jusqu’au saccage de toutes les certitudes, jusqu’au bord des limites où toute compréhension se décompose (Bataille). « J’ai été celui-là, l’organiste des pauvres… des putains, mes femmes à moi… des gigolos, mes hommes… moi, leur micheton, la fiotte ! vers le soir, aux environs des métros de Pigalle ou d’Anvers, de la paroisse Sainte Rita, ce musicien marié à une femme trans et qui n’eût plus la force de rester seul à vivre son passé que d’orgue en orgue, d’église en église pour faire chanter ! tonner ! clamer ! : “Dies Irae” au rythme des sépultures, des obsèques et des inhumations d’un musicien d’église – leçon des ténèbres en passé composé… »
Voyage au bout de la vie, au bout de l’Enfer, ces dits et récits sont portés par une langue qui a la raucité des vieilles douleurs humaines, qui cherche la singularité si nécessaire à l’expression de l’unique, la trouve dans un style fondamentalement rythmique, parfois titubant, et dans une forme d’agrammaticalité qui vient troubler la langue admise et attendue. Une écriture, une musique, qui invitent à chercher la vérité ailleurs que dans la Raison : dans la violence mystique de l’écart, dans les souffrances et les extases de l’absolu, dans une forme nouvelle et violente de poésie.

Richard Blin

Leçon de ténèbres
Dominique Preschez
Tinbad, 184 pages, 19

Un chant des paroxysmes Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°232 , avril 2022.
LMDA papier n°232
6,50 
LMDA PDF n°232
4,00