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Domaine français Dans la vallée obscure

mai 2022 | Le Matricule des Anges n°233 | par Lionel Destremau

Écossais de naissance, mais écrivant en français, Manfred Kahn nous livre un premier roman noir violent et étouffant.

Le Vestibule des lâches

On a beaucoup parlé, il y a quelque temps, de « rural noir », expression désignant le roman noir en pleine nature et les sombres aspects que peut prendre parfois la vie campagnarde. Le Vestibule des lâches, premier roman de Manfred Kahn, pourrait s’approcher de cette définition, cependant il s’en détache, va plus loin, et serait sans doute plutôt à ramener vers une forme de nature writing à la française qui sait aménager, dans de grands espaces grandioses, le paradoxal étouffement d’un huis clos qui va mal tourner.
Tout se focalise autour de trois figures qui vont se confronter dans un village perdu au creux d’une vallée, entourée de montagnes et de forêts. Victor s’y est retiré, seul, pour y panser de profondes blessures et tenter, peut-être, de se reconstruire. Il est venu là sur un souvenir d’enfance, des parties de chasse et de randonnée avec son père, un endroit reculé où personne ne viendra s’occuper de lui, lui chercher des histoires, et où il se retrouvera face à lui-même. Du moins est-ce ce qu’il croit, mais il se trompe. Ici, tout le monde se connaît, alors l’arrivée d’un étranger dans le hameau ne passe pas inaperçue. En particulier auprès de Charles, un homme qui semble avoir beaucoup d’influence sur la communauté, qui a des projets ambitieux pour la vallée, et mène son petit monde d’une main de fer que personne n’ose remettre en cause. Et surtout pas sa femme, Josépha, réservée, comme en retrait de l’existence elle aussi, mais soumise au bon vouloir de cet individu brutal, ce mâle dominant qui a une conception violente de la vie conjugale et qui méprise la plupart des gens. Victor porte en lui un trauma, tandis que Josépha a fini par éteindre en elle tout désir de véritable respiration ; ces deux-là étaient faits pour se rencontrer, leur relation ne sera pas une belle histoire d’amour, mais plutôt la réunion de deux failles béantes, d’êtres en quête de résilience, d’un second souffle que, peut-être, ils pourraient trouver ensemble. C’est bien sûr inadmissible pour Charles qui estime devoir tout maîtriser, les gens comme les animaux. Et à la fois pour prouver à tous son pouvoir et pousser l’étranger à quitter les lieux et la couche de sa femme, il décide de faire un exemple. Il égorge un chien errant que Victor avait fini par recueillir chez lui : « Il posa la main sur son flanc ; le corps était encore souple, froid, le sang n’avait pas coulé de sa gueule mais d’une blessure à la gorge, il était visqueux et encore frais sur le sol ». Le meurtre du chien va être un déclencheur.
Victor n’est pas un héros, c’est une victime en deuil, mais il n’a plus grand-chose à perdre et surtout il n’accepte pas de se plier à la loi de ce butor malsain, aussi décide-t-il de retrouver Charles, parti se faire oublier avec son groupe de chasseurs dans les montagnes. Difficile, en lisant ces passages de marche sur des sentiers escarpés, dans l’ombre de forêts où rôdent des loups, de ne pas convoquer des images cinématographiques. On pense à la partie de chasse dans le brouillard de Retour vers l’enfer, ou aux chasseurs rednecks de Délivrance, tant l’atmosphère devient poisseuse et la tension monte progressivement. On ressent surtout, à la lecture de ces pages où Manfred Kahn manie à merveille le sens du détail, depuis la lente arrivée des brumes dans le vallon, jusqu’à la froideur glaçante d’un petit torrent, l’âpreté de cette vie alpine où l’homme côtoie davantage les bêtes que ses congénères. Au fil de sa montée jusqu’aux Abymes, des gorges rocheuses qui ont la réputation de porter malheur, et avant la confrontation finale avec Charles, le lecteur aura compris d’où vient Victor et ce qu’il a traversé, ce que fut Josépha avant d’être sous l’emprise de son mari. Un premier roman maîtrisé et puissant.

Lionel Destremau

Le Vestibule des lâches
Manfred Kahn
Rivages/Noir, 300 pages, 20

Dans la vallée obscure Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°233 , mai 2022.
LMDA papier n°233
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