La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Le roman de Baobabia

mai 2022 | Le Matricule des Anges n°233 | par Éric Dussert

Établi en Suisse, Nétonon Noël Ndjékéry raconte l’histoire d’une région qui englobe le Tchad, à travers une fresque dotée d’une île utopique.

Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis

Né en 1956 au Tchad, Nétonon Noël Ndjékéry s’était fait remarquer déjà en 2019 avec Au petit bonheur la brousse qui relevait de la satire. La vie politique tchadienne y était décortiquée et moquée, ça n’est plus l’objet de la fresque que le prosateur aux trois N. propose avec Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis. Abordant l’histoire du Tchad. « Face au premier Européen à rafraîchir le bleu de ses yeux à l’onde de ce lac hors norme, un autochtone, un de tes lointains ancêtres, embrassant l’horizon de ses bras, s’est écrié ‘Tchad’, ce qui signifie « grand étendue d’eau » en langue kanouri. Quelques décennies plus tard, les descendants de ce Blanc ont trouvé que ce nom, véritable Haïku, ne pouvait se suffire du seul bassin aquatique si vaste soit-il. Ils l’ont donc étendu à une partie considérable de la Baobabia. Ainsi naquit ton pays le Tchad ».
Ainsi nommé, le pays fit face à son histoire, et en particulier à l’esclavagisme, l’autre, celui qui, au XIXe siècle, décima à la demande de cheikhs musulmans d’Arabie ou à l’initiative des tribus noires de la région, les populations autochtones de la partie ouest de l’Afrique. Et il arrivait que certaines familles musulmanes soient elles-mêmes soumises à l’esclavage et à la dispersion lorsque le chef ou le cheikh local devait vêtements ou hommes à ses propres maîtres… Bientôt aggravée par l’irruption des colons européens qui allaient de leur côté apporter d’autres maux, cette histoire de sévices et de meurtres fixe la première partie du livre du romancier dans des instants de terribles duretés, quoique dans une langue pleine de relief qui parfois rappelle celle de François Salvaing dans Pays conquis (Robert Laffont, 1977), un récit scabreux et drôle de la conquête du Maroc cette fois…
Chez Ndjékéry toutefois, le récit prend un tour inattendu à plusieurs reprises. La longue histoire du Tchad justifie que le griot tente de nous égarer, tout en nous apportant les éléments constitutifs de cette histoire. Et par exemple, d’imaginer une communauté utopique fixée sur une île posée au milieu du grand fleuve… Il y fixe trois fuyards, un esclave eunuque échappé qui se fait passer pour un cheikh, une belle prisonnière yéménite et un adolescent noir. La société s’organise, s’accroît et se protège, notamment grâce au dit légendaire de la « dénékandji » qui terrorise les éventuels profanateurs de ce territoire de douceur : « il se remémorait une légende rapportée précisément de la Grande Eau, une légende qui enflammait autrefois son imagination d’enfant. Il y était question d’une île peuplée de dénékanjis belles à vous faire douter à jamais de vos yeux. Elle était tout entière transportée à dos d’hippopotames et se déplaçait en propageant une mélodie que fredonnaient ses sirènes aux longs cheveux de maïs. Mais gare aux oreilles imprudentes ! Toute personne qui entendait cette musique d’une douceur inouïe se transformait instantanément en pachyderme et rejoignait la cohorte des montures assujetties à ce singulière kirta pour l’éternité. »
Mais l’éternité est parfois bien courte : des adolescents s’enfuient, mettant en péril l’équilibre protecteur de l’île, et les temps extérieurs qu’on avait vu passer avec leur lot de guerres mondiales, de décolonisations violentes et de bouleversements géopolitiques, terroristes, économiques, manifestent leur présence à nouveau… Habile et prolixe, Ndjékéry est parvenu à tracer sa fresque sans entamer le prenant de son récit. L’exercice est périlleux souvent d’annexer le savoir vétilleux de la note de bas de page au souffle du feuilleton qui tressaute d’avanie en mauvaise surprise. Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis parvient avec un équilibre et une douceur tout helvètes à ménager de ce point de vue le chameau et le baobab au point que le lecteur, agréablement installé dans l’oasis des pages, pourrait aisément supporter quelque chapitre supplémentaire révélant à la manière de Nostradamus les décennies à venir du Tchad de la fin de notre siècle. On nous avait bien prévenus que les griots sont des enchanteurs.

Éric Dussert

Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis
Nétonon Noël Ndjékéry
Hélice Hélas, 360 pages, 20

Le roman de Baobabia Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°233 , mai 2022.
LMDA papier n°233
6,50 
LMDA PDF n°233
4,00