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Domaine français Hors de l’eau

octobre 2022 | Le Matricule des Anges n°237 | par Anthony Dufraisse

Ce roman social à la sauce Incardona mêle dèche, surf et jeu télé. Sur fond de suspens et de résilience.

Aussi curieux que cela puisse paraître à ceux qui le suivent depuis longtemps – et ils sont nombreux –, nous n’avons que trop peu parlé de Joseph Incardona dans nos pages. Suisse d’origine italienne, l’homme de 53 ans a pourtant bien du talent et d’abord, peut-être, celui de créer la surprise dans ses romans, dont un certain nombre de polars. Ceux des livres qu’il a publiés chez Finitude, l’un de ses éditeurs, valent tous le détour : Lonely Betty (2010), Derrière les panneaux il y a des hommes (2015), Chaleur (2017) et surtout La Soustraction des possibles (2020), sans doute son meilleur. En vingt ans, depuis Le Cul entre deux chaises jusqu’à ces Corps solides aujourd’hui, soit quinze livres sur la période, Incardona nous a montré l’éventail de ses indéniables qualités : art du récit (il sait accrocher le lecteur, comme on dit), écriture efficace (mais non dénuée de délicatesse), sens aigu des réalités sociales et économiques. Toutes choses que l’on retrouve ici, dans ce nouveau roman, dont l’équation de départ est simple : sortie de route égale entrée en scène des emmerdes qui volent toujours en escadrille, comme disait l’autre. À partir du moment où Anna plante son camion-rôtissoire, c’est la dégringolade sociale. Déjà que ce n’était pas Byzance… « Elle a cru que vivre en marge était une façon de vivre libre. Mais il y a la nouvelle donne d’un monde qui penche et rend son quotidien toujours plus précaire. »
La vie qu’elle mène avec son fils de 13 ans, Léo, à bord d’un mobile-home près de l’océan, va devenir de plus en plus chiche. Pour elle, c’en est bel et bien fini de la rôtisserie ambulante sur les marchés ; désormais son job à plein temps sera de gérer traites et impayés qui s’accumulent. Là, au bord des plages de l’Atlantique, le tandem mère-fils rame : lui sur sa planche, parce qu’il s’adonne passionnément au surf, elle, ancienne surfeuse, face à sa banque et à son assureur, abonnée qu’elle est maintenant à la vulnérabilité.
Ce duo solide en proie à la dèche, Incardona nous donne le temps de faire sa connaissance et on s’attache vite à l’ado aussi bien qu’à la célibataire mère-courage. Ils incarnent un principe de solidité, comme on parle d’un principe de réalité. Contre vents et marées, ils tiennent bon. N’allez pas croire pour autant qu’il s’agit simplement, fussent-ils réussis, de portraits croisés ; l’histoire va bien au-delà. Car l’écrivain genevois tire en parallèle d’autres fils, autrement plus machiavéliques. Avec la participation d’Anna, sur l’initiative du fils, à un jeu télévisé inédit, dans l’espoir évidemment de renflouer les caisses familiales, d’autres rouages se mettent en place. Cette émission, « concours le plus con du monde », n’est pas un divertissement parmi d’autres, mais une co-production sponsorisée par un constructeur automobile avec l’appui dans la coulisse de la… présidence de la République. Alliance des opportunismes, vous verrez comment.
La méthodique mécanique Incardona – comprendre : le suspens – tourne alors parfaitement : qui des quinze concurrents remportera le rutilant pick-up 4x4 sur lequel ils ont posé leur main ? Le dernier à la retirer rafle la mise, c’est-à-dire la voiture d’une valeur de 50 000 e… Incardona dénonce ce que ce jeu révèle de notre société (cupidité, voyeurisme, désarroi généralisé), prenant le lecteur à témoin sans ménagement. Le final, très beau, fera voler en éclats, on ne vous dit que ça, la tentation au cynisme de notre époque. Sachez seulement que c’est poétique et viscéral comme un surfeur à bout de souffle sortant la tête de l’eau : « Ça y est ; à présent qu’on est au fond, il s’agit de s’orienter pour retrouver la surface. Surtout ne pas paniquer, ce sont les instants cruciaux, chercher la lumière, suivre les bulles d’oxygène qui remontent, repérer la silhouette de la planche en contre-jour et remonter vers le ciel. » Incardona aurait tout aussi bien pu intituler son livre : Les corps fluides.

Anthony Dufraisse

Les Corps solides
Joseph Incardona
Finitude, 261 pages, 22

Hors de l’eau Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°237 , octobre 2022.
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