La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Capitulation totale

novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238 | par Camille Cloarec

Fille d’octobre est une plongée dans le territoire mouvant et opaque de la maladie. Un récit déchirant ancré dans la perte et la puissance.

Deuxième ouvrage de Linda Boström Knausgård à être traduit en français après Bienvenue en Amérique (Grasset, 2018), Fille d’octobre semble à première vue s’en éloigner. Il n’a rien de romanesque et tout de la confession, comme l’annonce sa toute première phrase : « J’aurais voulu tout raconter sur l’usine. Malheureusement, je n’en suis plus capable. » L’autrice convoque ses nombreux séjours en hôpitaux psychiatriques, et plus particulièrement la longue liste de traitements par électrochocs qu’elle y a reçus entre 2013 et 2017. Cette thérapie, encore très plébiscitée en Suède, lui a été comparée à « la réinitialisation d’un ordinateur ». L’usine est ce lieu obscur et ritualisé au cœur duquel s’accomplit, une, deux, voire trois fois par semaine, l’indicible. Impossible de garder le contrôle du temps qui passe, de faire les comptes, d’esquisser ne serait-ce qu’un brouillon qui résumerait ces années épouvantables. « Je peux seulement dire (…) qu’on m’a envoyé assez d’électricité dans le cerveau pour s’assurer que je n’écrirais jamais sur ce que j’ai subi », conclut-elle.
Bienvenue en Amérique racontait le quotidien d’une famille dysfonctionnelle, au père alcoolique et violent, à la mère absente et noyée dans le déni, du point de vue de leur fille qui préférait se murer dans le silence. La détresse bouillonnante de l’enfance, la tanière sacrée que constituent les souvenirs, le mutisme comme seule solution, telles étaient les thématiques de ce court et brûlant roman. Fille d’octobre en est une prolongation directement autobiographique. Il flotte dans différentes temporalités : celle d’une petite fille, étrangement similaire à la narratrice de Bienvenue en Amérique, prise en étau entre sa mère et son frère dans un « triangle des Bermudes où tout finissait par faire naufrage et se briser ». Celle d’une jeune femme se rêvant comédienne, comme sa mère, trop rapidement réduite à la profession d’écrivaine (« Un métier exécrable. Aucune satisfaction. Aucun apaisement. Aucun repos. Aucune joie »). Une carrière d’autant plus difficile qu’elle s’inscrit dans l’ombre de celle de son ex-mari, l’écrivain norvégien Karl Ove Knausgård, propulsé dans la célébrité avec Mon combat. Leur relation passionnelle, leurs quatre enfants, leur quotidien à Malmö, tout cela appartient désormais au domaine public. Le dernier ouvrage de la série, Fin de combat, fut controversé, tout comme l’ensemble de son œuvre, particulièrement pour la manière dont il met en scène les troubles psychiatriques de sa compagne. Fille d’octobre lui répond, bouleversant, à la manière d’un diptyque. Il évoque les angoisses, les disparitions, les abdications. Il met des mots sur les crises à répétition : « Seule dans mon obscurité avec mes hantises, je me laissais déborder par tout ce que j’avais dit et renoncé à faire. Je m’enfonçais dans les exagérations et les mensonges. Dans mes mensonges. »
Mise à mal par les électrochocs, la mémoire de Boström Knausgård ressuscite pourtant au fil des pages. Les images surgissent dans le désordre et parviennent à recréer ce qui était, concrètement, matériellement, affectivement, et n’est plus. Il est alors impossible d’échapper à la culpabilité. « Comment ai-je pu préférer l’usine aux personnes que j’aimais ? Que suis-je venue chercher dans ces couloirs, alors que j’avais tout ce que je désirais ? », s’écrie l’autrice. Autant de questions condamnées à résonner à l’infini, comme des échos répercutant le triple sentiment de gâchis, de toute-puissance et d’isolement qui l’envahit. Même quand il ne reste plus rien, il y a encore l’écriture – « j’ai toujours su que je pouvais écrire comme s’il y allait de ma vie ».

Camille Cloarec

Fille d’octobre
Linda Boström Knausgård
traduit du suédois par Terje Sinding
Grasset, 240 pages, 19

Capitulation totale Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°238 , novembre 2022.
LMDA papier n°238
6,90 
LMDA PDF n°238
4,00