On les reconnaît entre tous, les livres du Panseur. Des mots vernis brillent sur les couvertures selon l’orientation de la lumière. Les mots, Jérémy Eyme, 37 ans, en prend soin. Des premiers jusqu’au point final, puisque la maison qu’il a créée accueille des jeunes auteurs et autrices. Qu’il aime à accompagner : « Je me considère comme un maïeuticien », dit avec malice cet ancien étudiant de Centrale Lyon, dont le cursus universitaire l’a mené à s’intéresser aux sciences de l’éducation. Inauguré en 2019 par L’Homme qui n’aimait plus les chats (Isabelle Aupy), le catalogue du Panseur compte 13 titres. Dystopie, fiction réaliste, poésie, roman d’apprentissage, auto-documentaire… tous les genres littéraires sont les bienvenus. « Nos portes ne sont fermées à personne », déclare celui qui a endossé l’habit d’éditeur « ni par passion, ni par plaisir, mais pas nécessité ». Des œuvres inspirantes, passées ou présentes ? Il cite Christian Bobin, le philosophe Gilbert Simondon, Frank Herbert et son Dune. Naissance d’une aventure prometteuse et plurielle.
Jérémy Eyme, comment passe-t-on des études de psychologie sociale au métier d’éditeur de littérature ? Comment avez-vous trouvé vos premiers textes ?
Ma trajectoire professionnelle est comparable à beaucoup d’autres : ce n’est pas une ligne droite. La psychologie sociale m’a aidé à developper mon acuité à percevoir les mécanismes en jeu au sein de collectifs, que ce soit la famille, les groupes, les institutions. Spécialisé dans le « travail collaboratif et le travail en réseau », j’ai pris le costume de consultant en entreprise pendant quelques années avant de m’engager dans un doctorat en formation des adultes. Pendant ma thèse, j’essayais de comprendre en quoi les environnements fictionnels sont prometteurs d’apprentissage et de développement. En parallèle, j’ai découvert l’univers des plateformes collaboratives pour auteur.e.s et les dynamiques du réseau social qui impactaient ces jeunes plumes en herbe. C’est dans un de ces réseaux que j’ai fait la connaissance d’Antonio Exposito, Isabelle Aupy et Gwen Guilyn, c’est là que j’ai vu leurs textes en train de s’écrire, page après page, telle une scribe-réalité.
J’ai été spectateur autant que contributeur de leur émergence. Et voir des œuvres aussi puissantes que Le Quatrième Roi Mage, Le Panseur de Mots ou Malou dit Vrai dans leur processus de création était extraordinaire… Ce que j’essayais de théoriser pendant ma thèse, ils étaient en train de le réaliser concrètement sous mes yeux : ils créaient des métaphores au service de leur métamorphose.
J’ai donc fondé les éditions du Panseur comme étant ma propre nécessité, mais aussi avec une naïveté et une fraîcheur qui je crois m’a ouvert autant de portes qu’elles ne m’en ont fermé. Le temps et certaines réussites m’ont prouvé que j’avais raison d’y croire car mes trois premiers auteurs sont aujourd’hui au catalogue de Folio. Je dois avoir le nez creux…
Le...
Éditeur Porteur de voix
avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242
| par
Philippe Savary
Moteur d’une aventure collective, les éditions du Panseur s’émancipent des genres littéraires. L’écriture, comme outil de (re)construction de soi.
Un éditeur