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Domaine français Sur chaque bouffée d’aurore…

avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242 | par Dominique Aussenac

Par un premier roman tonique, imagé et très documenté, Xavier Donzelli raconte la saga du plus célèbre poème d’Eluard.

Et par le pouvoir d’un mot

Les poèmes transportent. Liberté, plus que tout autre. Une puissance, un style nouveau, une scansion, des mots simples et un carambolage d’images parfois contraires, fulgurantes. Liberté fut d’abord un poème de résistance, intitulé initialement Une autre pensée écrit et diffusé à la barbe de la censure de Vichy et des Allemands, avant de devenir un poème populaire, compris, aimé par le plus grand nombre, emblématique pas seulement du combat contre le nazisme, mais de toutes les luttes émancipatrices.
« Ce soir, Paul contemple le chantier du poème en cours, les flèches, les biffures sans appel, les arabesques des repentirs. À force d’ajouts, son manuscrit est illisible, ou presque. Levant les yeux, il distingue dans la nuit l’éclat d’étoiles de première magnitude. Cette joaillerie céleste fait surgir de nouveaux vers : Sur les pentes monotones, Sur les dentelles de pluie, Sur les bijoux des captives. Il opère encore quelques retouches, ordonne les strophes, les déplace, instaure un nouveau sens à cette succession d’images et de strophes qui se terminent toutes par cette scansion : J’écris ton nom. »
Les poèmes transportent et l’ouvrage de Xavier Donzelli (journaliste au mensuel Historia) parle, lui, de la façon dont le poème a été transporté par des réseaux, des petites mains, des grands noms, de Paris à Alger, de Paris à Londres, au Brésil, de Londres encore où il sera ensuite parachuté sur la France. Ce roman recèle une enquête journalistique, dont toutes les assertions ont été vérifiées et corroborées par des archives souvent restées en sommeil et des témoignages parfois recueillis jusqu’au Canada. Il renferme des lettres, des tracts, un questionnaire de la Propagandastaffel… Et développe une écriture très cinématographique : des huis clos, des zooms, des travellings, de l’action, des dialogues… Chaque chapitre porte l’intitulé d’un vers et reconstitue des scènes fondatrices, des passages, des arrestations… qui mis bout à bout forment une superbe chanson de gestes. Le lecteur se retrouve au cœur de conversations enflammées, dans des appartements, des bureaux, des mess d’officiers de la RFA, en zone occupée, en zone libre, dans la carlingue d’un avion. Le roman donne l’impression que le poème se métabolise, se ramifie en autant de branches secrètes, résistantes, ferventes. On y croise une foultitude de personnages connus et moins connus, Max-Pol Fouchet à Alger, Louis Parrot, Raymond Aron, André Labarthe, Francis Poulenc, Cicero Dias, Lee Miller, Roland Penrose, peintre et poète propagateur du surréalisme en Angleterre… Des surréalistes, justement, y apparaissent parfois comme des crabes dans un panier. Le poème suscite des jalousies, des enjeux de pouvoir, de reconnaissance.
Et par le pouvoir d’un mot n’est pas un roman hagiographique, la personnalité charismatique de Paul Eluard n’apparaît pas ici auréolée de gloire, mais grêlé de défauts très humains. Il est colérique, assez content de lui, quelque peu arriviste, courageux et téméraire jusqu’à l’inconscience. Nusch, sa compagne, est un tantinet effacée. Effacée par une autre femme, un amour fantôme. Si bien que le poème semble tout à la fois inspiré par Gala Dalí, la première épouse et par Nusch.
Le chapitre le plus émouvant s’avère celui où l’on vit le largage du poème sur la France occupée. De jeunes aviateurs, très peu expérimentés, furent envoyés au casse-pipe et moururent pour la plupart en le larguant : « « Tout ça pour des conneries de tracts ! » peste le radio. »
Et par le pouvoir d’un mot délivre un panoramique saisissant sur toute une époque terrible, forcément engagée où les intellectuels et artistes avaient plus de voix qu’aujourd’hui et où parachuter un poème fut à la fois une merveilleuse idée et une arme magnifique et pacifique. Vive la liberté, regardons-la chuter du ciel, telle une pluie de pétales, enfantant des myriades d’images !

Dominique Aussenac

Et par le pouvoir d’un mot
Xavier Donzelli
Seghers, 370 pages, 20

Sur chaque bouffée d’aurore… Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°242 , avril 2023.
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