Il y a toujours de la jubilation à découvrir une pièce de Faustine Noguès, tant l’autrice nous interpelle avec son humour singulier sur des sujets de société très actuels. Son premier texte, Surprise parti, inspiré de l’élection de l’humoriste punk Jón Gnarr à la mairie de Reykjavik, secouait joyeusement les idées reçues autour de la finalité d’une élection et de la notion de pouvoir. Avec Les Essentielles, elle nous plonge au cœur d’un abattoir, belle métaphore de notre monde capitaliste, dans ce lieu où même la mort doit être rentable.
La pièce commence après un accident, une employée est décédée à la suite d’une chute et s’est retrouvée pendue, comme les vaches, la tête en bas. Les employés refusent que leur collègue soit décrochée tant que leurs revendications ne sont pas écoutées. Ils essaient de faire grève. Mais personne ne souhaite être porte-parole devant la direction. L’un des employés utilise alors ses talents de ventriloque pour exprimer un souhait, rencontrer le « possesseur » de l’abattoir. Face à cette voix collective, la directrice essaie d’entrer en contact avec le « possesseur » par des incantations ressemblant à des prières en vers, le « possesseur » n’étant qu’une voix, s’exprimant en anglais. La morte prend également parole, évoquant sa vie, mais aussi celles des vaches. Ce sont ces dernières qui vont renverser la situation. Comme la chaîne d’abattage est bloquée, les vaches s’entassent dans l’étable. Elles vont alors mener la révolte, dans une colère « grandiose » et « dévastatrice ».
Faustine Noguès semble partir d’une documentation conséquente, mais trouve dans cette matière un endroit où la fiction reprend tous ses droits. Cela lui permet de mieux créer ce décalage quasi grand-guignol, qui percute le lecteur. Dans ce lieu où l’on parle tripes, moelle, viscères, où les carcasses des animaux cohabitent avec le cadavre d’une employée, la question de la vraie valeur d’une vie, animale comme humaine, et pas de la seule valeur marchande, nous est posée on ne peut plus directement.
L. Cazaux
Les Essentielles
Faustine Noguès
L’Œil du prince, 94 pages, 14 €
Théâtre Les Essentielles
janvier 2024 | Le Matricule des Anges n°249
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Les Essentielles
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°249
, janvier 2024.