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Intemporels Fyveer, Hazel, Bigwig et les autres

janvier 2024 | Le Matricule des Anges n°249 | par Didier Garcia

Avec Watership Down, le romancier britannique Richard Adams (1920-2016) nous entraîne dans une émouvante odyssée animale.

Un roman s’étirant sur plus de 500 pages, planté dans un décor champêtre, dont les protagonistes sont des lapins, et pas du tout réservé à la jeunesse ? De prime abord, le projet semble relever de la gageure. Pour ne tromper personne, on précisera qu’il s’agit de lapins d’un genre particulier, dotés de la parole, exactement comme chez La Fontaine (mais l’anthropomorphisme dont use le moraliste le temps d’une fable est à l’œuvre ici durant tout le roman). S’ils s’expriment à peu près comme nous, ils n’en utilisent pas moins un lexique adapté à leur condition de lapins, comme le verbe « farfaler », qui leur permet de sortir de leur terrier pour se nourrir, ou les substantifs « kataklop » (autrement dit le tracteur) et « skramouk » (l’odeur du renard, qui leur inspire la plus vive répulsion). Ils ont en outre une façon singulière de voir les hommes (presque toujours « un bâton blanc à la bouche »), et leur histoire est riche de mythes, de légendes, de croyances, et même d’un dieu (Krik). Il leur arrive enfin de se raconter des histoires afin d’occuper leurs soirées, histoires que l’on pourrait croire empruntées aux Mille et Une Nuits.
Au début du roman, on découvre ces lapins en leur garenne de Sandleford (située quelque part dans le Hampshire), où ils mènent une confortable vie communautaire, gérée à la dure par la « Hourda », sorte de caste militaire. Mais un jour, l’un d’eux (Fyveer en l’occurrence, qui fait un peu figure de personnage principal, aux côtés de son frère Hazel) a l’intuition qu’une terrible menace pèse sur les galeries de leurs terriers (il s’est déjà signalé par ses talents de prophète). Ce qu’il a senti, c’est ce qu’annonce un panneau récemment planté là, mais qu’ils sont incapables de déchiffrer : une société immobilière se prépare à construire sur leurs terres des « résidences modernes de standing ». Aucun doute possible, ils doivent fuir pendant qu’il en est encore temps, et se trouver un nouveau foyer. Peu de lapins ont la sagesse d’écouter cette prémonition, mais un petit groupe, emmené par les deux frères, part à la recherche de cette terre susceptible de les accueillir. Une fois qu’ils l’ont trouvée (elle s’appelle « Watership Down »), après avoir échappé à maints périls, ils se rendent compte qu’il leur manque l’essentiel, bien qu’ils évoluent désormais dans une espèce de paradis : des hases, pour la préservation de l’espèce. Commence alors pour eux une tout autre histoire, au cours de laquelle ils vont plusieurs fois risquer leur vie. C’est chez leurs voisins d’Effrefa, une garenne dirigée de manière totalitaire par un général despotique (Stachys), et avec l’aide providentielle d’une mouette nommée Keehar, qu’ils vont aller se servir et tenter d’exfiltrer quelques femelles, imitant en cela les Romains et leur enlèvement des Sabines.
Publié en 1972, traduit dans une bonne trentaine de langues, Watership Down compte d’innombrables péripéties (comme dans l’Odyssée d’Homère, il y a toujours quelque chose d’imprévu pour ajouter un épisode supplémentaire), presque autant de rebondissements, des haltes toujours un peu risquées (dans des univers où les lapins feraient mieux de ne pas se fourrer), du suspense, et des personnages attachants. Comme dans un roman d’aventures, difficile de s’arrêter en chemin tant la lecture est haletante : on aspire toujours à savoir ce qui va se passer au prochain chapitre, et l’empathie fonctionnant ici à merveille (on est de tout cœur avec eux, tremblant pour eux à chaque nouvelle menace), on se laisse happer par ce récit enlevé, toujours vif, qui impose au lecteur très peu de temps morts.
Durant cette parenthèse enchantée, chacun en profite pour retrouver son âme d’enfant et se laisser attendrir, comme il le ferait devant un dessin animé de Walt Disney ou s’il se trouvait confronté à un conte pour enfants (tout y est perçu par la conscience et la perception des lapins, ce qui prête souvent à sourire). On ne sait d’ailleurs trop de quelle manière il convient de lire ce roman. Faut-il le tenir uniquement pour ce qu’il est, à savoir un texte hors du temps, bucolique, poétique, plein d’une certaine magie, et probablement un des plus grands livres de l’imaginaire ? Ou plutôt le lire comme une fable politique, ainsi qu’on le ferait de La Ferme des animaux d’Orwell, car « les lapins, dit-on, ressemblent aux humains par bien des aspects ». Il est vrai que grâce à leur courage et à leur abnégation ils ont eu raison des tyrans d’Effrefa, su éviter tous les prédateurs (hommes compris), tout en allant au bout de leurs rêves.

Didier Garcia

Watership Down
Richard Adams
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Pierre Clinquart
Monsieur Toussaint Louverture, 544 pages, 12,50

Fyveer, Hazel, Bigwig et les autres Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°249 , janvier 2024.
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