Un livre

Histoires siamoises

de Cécile Villaumé

Editions Dilettante

Récidive pour Cécile Villaumé, qui avait rugi une première fois en 2019. Elle publiait alors ses Écrivains imaginaires (Le Dilettante), que d’aucuns jugèrent de haute graisse. La prosatrice y avait avec autant d’esprit que de connaissances trouvé le moyen de se payer la fiole d’éminents personnages comme Duras ou Mallarmé. Ils n’en sortaient pas grandis, le lecteur se gondolait : opération réussie. À l’exercice, elle-même prit des allures d’arrière-petite-nièce de Jules Renard ou de Félix Fénéon. Spirituelle mais sarcastique. Ses nouvelles Histoires siamoises ne vont pas radicalement modifier son image. Par le truchement de nouvelles montées par paires, et même en miroir, siamoises si l’on veut car rattachées, Cécile Villaumé se régale une nouvelle fois des curieux réflexes du genre humain au sujet des épizooties, du trafic d’animaux sauvages, des descendants du Petit Nicolas en milieu scolaire contemporain, de l’outrecuidante bêtise des parents d’élèves, d’une fameuse comtesse de Ségur, de ce séducteur de Landru (épatant tout de même ce gaillard), des rudes réunions du collectif « Les Mécompté.e.s » (féministe, antiraciste, antivalidiste) et du goût pour la photographie ectoplasmique de Zohra Ben Brahim attrapé auprès de Pierre Louÿs son amant. On y trouve aussi quelque raté peu glorieux aux impeccables capacités métronomiques : un manuscrit chasse l’autre, la presse chauffe sans fin : « Il ne se voyait pas comme une éponge, mais comme une antenne. Pour écrire comme ces tâcherons, il aurait fallu les lire, et Vincent ne les lisait pas. En revanche il captait une fréquence, c’était évident, la fréquence des Grands Ratés. » (Mais il ne s’agit sans doute pas ici de la biographie de l’un de nos contemporains bien connu). Enrichi en histoire littéraire, plein de fantaisies fictionnelles et de commentaires perspicaces, le mélange composé par Cécile Villaumé carbure autant que son premier opus. Feu !

Éric Dussert

Histoires siamoises
Cécile Villaumé
Le Dilettante, 192 pages, 18 €