Élodie Fiabane est autrice de documentaires. Ce premier roman, fruit de son immersion dans les maraudes parisiennes, est le parcours initiatique d’une femme qui rejoint l’Institution et ses bénévoles. Chaque nuit, ils viennent au secours des sans-domicile qui se nichent « dans les replis de la ville ». Il y a Mohammed qui travaille et dort dans sa voiture. Il y a Tatiana, une vieille dame assise sur une bouche d’air chaud, qui dessine des mandalas. Mais parfois les chemins tortueux sur lesquels s’engagent les bénévoles conduisent à des lieux et des moments inattendus, à des refuges qui ont échappé miraculeusement à la pression de la rue. Ainsi Thomas, qui s’est construit une capsule de l’espace au milieu d’un chantier pharaonique, à côté du plus grand incinérateur d’Europe, celui d’Ivry. L’intérieur est recouvert de thermo réflecteur. Voilà ce couple sorti tout droit d’un western, l’Indien Mike et l’Italienne Stella, leur beauté et l’électricité qui les parcourt quand ils sont l’un contre l’autre, saisit la narratrice. Mais comment créer du lien, quand les SDF dorment ? Il ne faut pas les réveiller, « on vérifie qu’ils respirent et on les laisse. » Il faut mettre un genou à terre, « essayer de capter leur attention ». Il y a soixante-dix ans, l’abbé Pierre appelait à une insurrection de la bonté pour sortir les gens de la rue et leur donner un logement décent. Élodie Fiabane sait faire monter la tension de cette réalité qui lui saute à la figure, cette boucle infernale : c’est bien la même société qui produit cette misère et qui va la nourrir la nuit. « Si tout le monde était comme nous les gens dans la rue seraient moins seuls et toujours à la rue. »
Virginie Mailles Viard
Dans la ville
Élodie Fiabane
Flammarion, 174 pages, 18 €
Domaine français
avril 2024 | Le Matricule des Anges n°252
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Le Matricule des Anges n°252
, avril 2024.