La rédaction Jérôme Delclos
Articles
Une marque allemande
De sa dérive urbaine sur fond de prostitution, Emmy Hennings (1885-1948) tire une brûlante quête de soi. Rude et mystique.
Au XVIe siècle sur le parvis d’une église espagnole, la prieure Thérèse d’Avila fit scandale en haranguant ses Sœurs aux mots de « Nous sommes les putains du Christ ! ». Elle avait fugué du foyer familial à 7 ans dans l’idée très romanesque de « se faire décapiter par les Maures », une seconde fois à 18 pour rejoindre un carmel mondain et peu cloîtré. Prostituée dans la Prusse de 1911, la jeune Emmy, pionnière du dadaïsme, elle aussi fugueuse à 18 ans mais pour suivre une troupe de théâtre ambulant, est une semblable rebelle. Et le début de son « Tagebuch » – un journal – attaque fort lui...
Un livre
Perdre
de
Jean Carrère
Déroute story
Deux en un : du trash en Asie samplé avec les guerres très sales du Proche et du Moyen-Orient. Un mix noir et bien barré.
Jean Carrere a été reporter de guerre, en est sorti sur les rotules. Tout comme « Charles Salem » le narrateur de Perdre, premier roman. Dans le livre, neuf parties en italique, souvenirs de guerre, scandent la narration d’un road-trip en Asie. Un passé qui hante le personnage principal du roman « cynique et désabusé », dit le dossier de presse. Mais c’est peut-être surtout Carrere qui se...
À sauts et à gambades
Le jeu d’échecs comme blason pour un livre cavalier. Audacieuse, une partie de maître, par Jean-Philippe Toussaint.
L’Échiquier a son centre, page 104, dans un souvenir d’enfance : Jean-Philippe Toussaint découvrant à 7 ans « la marche du Cavalier (…) seule pièce de l’échiquier qui pouvait sauter les obstacles ». Cette pièce redoutable parce que mobile et rapide donne au livre son allure au sens où l’entendait Montaigne, homme de cheval : « J’ayme l’alleure poétique, à sauts et à gambades ». Sauts et...
Le Salut viendra de la mer
Quidam a la bonne idée de rééditer en poche Le Salut viendra de la mer (2014, voir Lmda N°182). Un titre, dixit la postface, « tourné vers l’avenir et plein d’espoir », mais que récuse d’emblée l’incipit. « Je vais te dire comment c’est arrivé. Comment c’est arrivé et comment ça devait arriver. Le sang versé et celui qu’on devait verser. » C’est qu’en Grèce, le bleu a viré au noir. « Le pays...
La digue et la crue
La petite musique du flux de conscience façon Conrad Aiken (1889-1973). Pour adultes.
Poète, nouvelliste, romancier, Conrad Aiken est moins lu que ses amis T.S. Eliot, Ezra Pound, Malcolm Lowry qui l’admirait et dont il fut le mentor. La Dernière Visite (1925) forme la belle occasion de rendre justice à ce maître en ambiances et en personnages. Ici, chaque nouvelle campe une femme – « Miss Rooker », « Marie Schley », « Flora des Neiges ».
Le style d’Aiken nous procure le...