La rédaction Julie Coutu
Articles
Au fin fond des bois
Là où la terre se fond dans les eaux, écoutons la voix des Filles du chasseur d’ours s’élever, hurler, maudire, dans un roman sauvage.
On y rencontre une forêt, l’ombre de l’ours, une chaumière abandonnée, sept filles à l’allure et au parfum d’ogresse, des trésors enterrés, une ville sous la neige, une narratrice comme une bonne fée. Et pourtant, Les Filles du chasseur d’ours n’a du conte que l’apparence, et tient les fées, bonnes ou mauvaises, très à distance. Ne serait-ce que par cette odeur qui se dégage de la troupe agitée des filles sauvageonnes et qui envahit chaque mot du texte. Comme si Anneli Jordahl avait voulu écrire un roman (le premier traduit en français) de senteurs (nauséabondes, âcres, boisées,...
Guider vers ailleurs
Premier roman de Zoé Derleyn, Debout dans l’eau raconte quelques saisons d’une enfance solitaire, qui laisse à la mort l’espace pour faire son œuvre.
Certains romans, au fil des mots, des émotions levées, des images, des sensations, vont s’insinuant, privilégiant une lente imprégnation pour trouver leur chemin, s’installer, envahir l’espace de leur imaginaire. Ils avancent tranquillement, posent un lieu, des personnages, une ambiance, un questionnement, jusqu’à ce que le lecteur en arrive à se persuader qu’il ne pourra pas s’extraire de...
L’Île invisible, de Francisco Suniaga
Une enquête. Une mort accidentelle pas tout à fait claire, une île lointaine et paradisiaque, une veuve trop belle peu éplorée : L’Île invisible démarre façon polar sous les tropiques. Mais c’est pour mieux désorienter.
Sur l’île Marguerite, ou Margarita, il y a le rêve et l’envers du décor. Quand on pénètre le paradis de carte postale, l’image se fendille, très vite. Dans ce Venezuela par...
Émotions singulières
Fantaisiste et délicat, Un papillon, un scarabée, une rose d’Aimee Bender dit la difficulté à composer avec ce qui nous entoure, sans crainte.
Ce qui dit peut-être le mieux Aimee Bender, l’auteure du mélancolique Singulière tristesse du gâteau au citron (L’Olivier, 2013), c’est une certaine idée de la douceur. Et de la douceur, dans ce roman qui dit la folie maternelle, l’abandon, la peur de l’autre, de l’autre en soi, la difficulté à grandir et partir, la nécessité à vivre ailleurs et loin, il en fallait. Il en fallait, au point de...
Noël à l’irlandaise
Un roman façon conte de Noël, hors du temps. On pense à Dickens. Minutieuse et sensible, Claire Keegan s’attache à dire au plus près la nature humaine.
Claire Keegan aime la forme brève, la nouvelle, pour l’intensité qu’elle impose. Ce genre de petites choses est un très court roman, une novella, tout juste une centaine de pages. Noël 1985 ; le froid glacial, les boulets de charbon, le couvent clos derrière ses murs, appartiennent certes à un autre siècle mais n’en demeurent pas moins très proches. On peut compter les années, et mieux...