La rédaction Julie Coutu
Articles
Au fin fond des bois
Là où la terre se fond dans les eaux, écoutons la voix des Filles du chasseur d’ours s’élever, hurler, maudire, dans un roman sauvage.
On y rencontre une forêt, l’ombre de l’ours, une chaumière abandonnée, sept filles à l’allure et au parfum d’ogresse, des trésors enterrés, une ville sous la neige, une narratrice comme une bonne fée. Et pourtant, Les Filles du chasseur d’ours n’a du conte que l’apparence, et tient les fées, bonnes ou mauvaises, très à distance. Ne serait-ce que par cette odeur qui se dégage de la troupe agitée des filles sauvageonnes et qui envahit chaque mot du texte. Comme si Anneli Jordahl avait voulu écrire un roman (le premier traduit en français) de senteurs (nauséabondes, âcres, boisées,...
Plan séquence
Sur les traces de Walker, vétéran, une traversée de l’Amérique, avec ses contradictions et cette mémoire dont le poids ne cesse de s’alourdir.
New York. New York qui vit, bat, grouille : « Les métros sont des rivières souterraines, / en crue éclair toutes les cinq minutes, / sous la pulsation des gens. » New York pour se racheter, et tout recommencer, New York pour oublier. « Manhattan, c’est là qu’on se réinvente ; mobilité, anonymat, tout est possible. C’est ce que je suis venu chercher. Chaque rue est un théâtre, chaque théâtre...
Mémoire en eaux troubles
L’Américain Stephen Markley impose son art de la mise en abyme dans Ohio, tout à la fois roman noir, portrait de société et récit choral.
D’abord, la construction, minutieuse : il s’agit de conduire le lecteur sans jamais faillir, juste là où l’auteur a souhaité l’emmener, sans grosses ficelles, subtilement. Puis, l’atmosphère : l’esprit des petites villes du Midwest, une jeunesse dorée ou presque de l’Amérique, perdue entre grande banlieue et campagne, ennui et envie d’ailleurs. Nous sommes à New Canaan, un terminus plus...
Inland de Téa Obreht
Réinventer le mythe du Far West en évitant les clichés, en transformant le western en une quête de l’ailleurs et de soi ni convenue, ni déjà vue. Téa Obreht s’y attache, dans cet Inland, quelque part du côté de l’Arizona, un peu avant le tournant du XXe siècle, quand les Indiens se font plus rares, les terres sauvages moins dépeuplées, la misère des pionniers toujours aussi criante. C’est...
Préférer l’hiver d’Aurélie Jeannin
L’hiver. La saison, le moment, la lumière. La nuit, le froid, le vent. La neige, parfois, le gel. L’enfermement. La solitude. L’hiver, à tenir à distance ou apprivoiser. Comme celui qu’on redoute, ou celui qu’on attend.
Préférer l’hiver, annonce en titre Aurélie Jeannin. Curieuse préférence que celle de cette saison, qui contraint la narratrice et sa mère à s’enfermer, chaque jour de bise...