RUBRIQUE Entretiens
Les articles
Le vilain rêve
De l’utilité de lire Le Grand Sommeil dans la retraduction de Benoît Tadié, qui rend au premier roman de Chandler sa singularité triste et toujours frémissante.
Évidemment, on se souvient de l’adaptation d’Howard Hawks : clair-obscur au cordeau, récit au galop, érotisme incisif des dialogues Bogart/Bacall. Sauf que leur couple ne s’est jamais formé chez Raymond Chandler (où le détective Philip Marlowe repoussait toute manipulation des dames) ; que l’histoire y était beaucoup plus composite (Chandler ayant fondu l’intrigue de deux nouvelles antérieures, et se fichant assez d’une vraisemblance que le style seul se chargeait d’assurer) ; que la couleur d’ensemble du roman tirait, plutôt que vers le noir et blanc classieux consacré par la tradition,...
Un auteur
De la lumière pour les navets
Pendant quatre ans, Jacques Jouet s’est donné pour contrainte d’écrire un poème par jour sur le navet. Ce journal de l’oulipien en jeune (puis moins jeune) légume se lit comme l’étrange inventaire d’un quotidien inattendu.
En tout, donc, 938 pages qu’on attaque avec circonspection, mais non sans curiosité. Avec une sympathie certaine pour l’ampleur loufoque du projet. Et une admiration pour le poète qui pendant quatre ans ne s’est pour ainsi dire plus séparé de son navet.
Reprenons. Depuis le 1er avril 1992, Jacques Jouet écrit chaque jour un poème. Navet, linge, œil-de-vieux représente les quatre premières...
Un auteur
La défiguration à l’oeuvre
Avec OGR, Onuma Nemon nous fait entrer dans une cosmogonie littéraire, créée sur une trentaine d’années. Une langue en action, brute et dense, qui résonne comme un long cri. Fiction ou autobiographie déformée, c’est un grand cirque à ciel ouvert où jaillit l’écriture de tous les possibles.
Vous ne le verrez pas. Pas de photo de l’auteur. Onuma Nemon n’est qu’un nom anonyme, le choix compréhensible de disparaître dans l’œuvre en cours, de n’être plus qu’un livre immense aux multiples métamorphoses. Il aura fallu une trentaine d’années pour que ce choix opère. Et une rencontre pour qu’il soit sauvé de l’oubli : celle de cet auteur d’une cinquantaine d’années avec les éditions...
Un auteur
Un sybarite en Egypte
Spécialiste des livres anciens et gastronome, Gérard Oberlé plonge dans la littérature populaire avec un roman patiné d’humeur sombre et d’ambiguïté.
Gérard Oberlé est un gaillard de belle allure au crâne rasé. Cette particularité capillaire entraîne une confusion : on le prend parfois pour Daniel Boulanger. L’erreur est de bon augure pour son avenir littéraire mais le présage n’était guère nécessaire car au pays des livres Gérard Oberlé n’est pas un inconnu. Depuis qu’il a entamé sa carrière dans la librairie ancienne en 1967 à Paris, il...
Un auteur
Jouanneau, l’homme séparé
Deux nouvelles « comédies du pire » de Joël Jouanneau, Les Dingues de Knoxville et une deuxième version de Gauche Uppercut, pour brosser le tableau « du monde ahuri d’aujourd’hui ».
David Warrilow, un des grands comédiens de ce siècle, disait pour évoquer Joël Jouanneau : « Autant vouloir décrire le chant de l’alouette ». De fait, un entretien avec ce dernier ressemble à une vraie rencontre, ce qui n’est pas si fréquent. Avec simplicité, Jouanneau se laisse traverser par les questions posées, histoire là encore de ne pas mettre d’écorce.
Pourquoi l’enfance est-elle...