Un livre

Lettre sur le pouvoir d’écrire

de Claude-Edmonde Magny

Editions Climats

Il y a des livres dont on sait qu’ils resteront à jamais dans notre bibliothèque, à portée de mains, prêts à être saisis à tous moments. Lettre sur le pouvoir d’écrire de Claude-Edmonde Magny est de ceux-là. L’auteur des Sandales d’Empédocle, s’adresse dans ces lignes à Jorge Semprun, jeune poète espagnol exilé en France occupée pour fuir Franco. Nous sommes en 1943, Jorge Semprun cherche sa voie dans l’écriture (il deviendra par la suite le romancier qu’on sait et le ministre espagnol de la culture), pris par le doute, taraudé par le désir-répulsion d’écrire, il se confie à Claude-Edmonde Magny, critique littéraire entrée en résistance. Elle lui répond et sa lettre, 40 ans après La lettre à un jeune poète de Rilke, fouille dans l’histoire littéraire et dans l’expérience individuelle à la recherche des fondements de cet acte, l’écriture. « Tacitement réprouvée par Rimbaud et M.Teste, l’écriture rougit de sa matérialité, de son ostentation, de son impudeur, elle n’a de cesse qu’elle n’ait regagné (…) le néant d’où elle n’aurait jamais dû sortir. » Pour contrer la croyance de ceux qui sont devenus incrédules face à la littérature, Claude-Edmonde Magny en appelle à Rilke, à Balzac dont elle admire, avec quelle passion, sa Comédie humaine. Elle appelle à la barre le Cardinal de Retz, Keats, Mallarmé. Et elle nous les montre, là, dans leurs contradictions, dans leurs recherches de cette voie qui selon elle s’ouvre à nous lorsqu’on s’est dépris de soi. Car au-delà de ses jugements critiques (discutables parfois), Claude-Edmonde Magny tente de proposer une éthique morale de l’écrivain ; pour écrire, il faut atteindre à « la pureté de cœur » au sens où, comme l’écrivait Kirkegard, « être pur, c’est vouloir une seule chose ». Remarquablement publié ( belle typo, beau papier et lettrines rouge pour texte noir) cette Lettre sur le pouvoir d’écrire est d’une lecture indispensable pour quiconque se coltine avec la langue.

Lettre sur le pouvoir d’écrire
Claude-Edmonde Magny
Préface de Jorge Semprun
Climats
64 pages, 60 FF