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Domaine étranger Paradis américain

octobre 1993 | Le Matricule des Anges n°5

Premier roman d’un jeune américain né en 1962, Pizza Face est une immense grimace lancée à toute la société américaine. Féroce et drôle.

A 21 ans, Ken Siman, originaire de Caroline du Nord, a écrit un premier roman qui devrait faire date dans l’histoire littéraire américaine. Non pas que l’auteur soit à ranger parmi ceux qu’une certaine presse appelle les auteurs cultes, mais parce que son personnage, Andy, pourrait bien rejoindre au Paradis des héros américains l’Ignatius J.Reilly de La Conjuration des imbéciles, le monumental roman de John Kennedy Toole. Les deux héros ont au moins un point commun : leur laideur. Andy est couvert de tant d’acnée qu’on l’appelle « face de pizza », ce qui, lorsqu’on connaît les pizzas américaines, est tout sauf flatteur. Andy a un autre défaut : ses parents. Américains moyens s’il en est, sombres crétins fiers de leur passé (le père), entichés des hommes politiques (la mère), les géniteurs d’Andy sont les parfaits citoyens de Charlotte, ville de Caroline du Nord où « il n’était pas rare d’être accusé de violation de domicile pour s’être engagé dans la voie de garage de son voisin qu’on avait confondue avec la sienne »
Il est beaucoup question de politique dans Pizza face, non pas au sens où nous autres Européens l’entendons ; la politique américaine est une immense foire, un concours de mains serrées, un super-marché publicitaire où ce qui compte avant tout c’est de faire croire au premier crétin qu’on a besoin de lui. Andy est un enfant de la génération Carter, une génération perdue si l’on en croit Ken Siman, très jeune, il participe aux campagnes de chaque candidat, leur envoyant pour tout soutien la somme d’un dollar. Cela suffit pour recevoir photos dédicacées, badges, posters que l’adolescent revend aux membres de « l’association Les Mordus d’Objets Politiques ». Mais toutes ces activités ne lui font pas oublier qu’avant tout, ce qui le caractérise lui, Andy, c’est la laideur : « Il regarda son image dans la grande glace et crache dessus. » Il a beau faire des efforts vestimentaires comme le jour de sa confirmation où « il avait revêtu son seul ensemble un peu pensé, un pantalon pattes d’éléphant jaune, un haut synthétique satiné avec un motif de perroquets éclatants (…) un collier hawaïen en coquillages… » les filles qui croisent son regard font la grimace.
Si l’on rit beaucoup à lire Pizza face, on se réjouit surtout de la férocité avec laquelle Ken Siman dépeint l’Amérique. La bêtise semble être, en Caroline du Nord, un sport national dont profitent les politicards de tout poil, peu scrupuleux des moyens mis en œuvre pour arriver au pouvoir.
Andy se lance donc dans la politique pour trouver une place dans ce monde. De même rejettant ses rêves d’amours féminines, notre anti-héros va se sentir de plus en plus attiré par la beauté des garçons. Pour suivre Ryan, son Appolon, il décrochera l’admission à l’Université. « Pour fêter ça, ses parents le sortirent dans le restaurant le plus cher du centre commercial. Ils commandèrent deux menus et partagèrent. » Du rire le plus franc on passe à l’émotion pour finalement se sentir révulsé par l’Amérique telle que la dépeint le romancier. Pizza face est le roman d’une déchéance générale, celle d’une société qui se nourrit des potins les plus ringards, où un citoyen réclame la peine de mort pour les délits mineurs après que des jeunes aient incendié sa remise à outil où il « entreposait sa collection de plaques d’immatriculation de Caroline du nord. » Il existe vraiment plus d’une similarité entre ce très beau roman et La Conjuration des imbéciles. Mais si Ignatius vomissait la société qui l’étouffait, Andy, lui, donnerait cher pour y être admis. Entre les années soixante, date d’écriture de La Conjuration… et la fin des années 80, on aura donc assisté à la mort de toute idéologie, à l’extinction de toute velléité de révolte. L’individu s’est soumis et mendie aujourd’hui sa place au soleil.

Pizza face
Ken Siman

Traduit de l’américain
par Pascale Barbera
L’Incertain
230 pages, 115 FF

Paradis américain
Le Matricule des Anges n°5 , octobre 1993.