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Domaine français Gadenne en partie

février 1994 | Le Matricule des Anges n°7 | par Eric Naulleau

Publication de l’un des Carnets de Paul Gadenne. L’occasion de découvrir une oeuvre parmi les plus exigents et lesplus secrètes de notre temps.

Le Rescapé : carnet nov 49-mars 51

La parution du Rescapé, ce Carnet de Paul Gadenne (1907-1956), pourrait susciter quelque perplexité parmi les fervents de l’auteur du Vent noir(1). Quel sens donner à cette entreprise fragmentaire alors que les écrits intimes de Gadenne représentent une masse inédite considérable et que leur publication intégrale évoque déjà un vieux serpent de mer éditorial au sang d’encre et aux écailles de papier ?
Fort heureusement, la lecture du Rescapé dissipe toutes les interrogations et emporte à la fois une certitude : l’ensemble proposé possède une indiscutable cohérence, et une conviction ; nous y accédons au cœur d’une vie et d’une œuvre.
En ce qui concerne d’autres possibles grincements de dents et de plumes, les réfractaires aux émois du moi, au déballage public des « petits secrets », découvriront un auteur qui affronte avec son habituelle intégrité les complaisances, les distorsions et les ambiguïtés propres aux journaux d’écrivains :
« Tenir un journal, c’est à tout instant risquer la platitude. » (12 mars 1951)
« Noter les choses tout au plus mais sans les affecter d’une valeur. » (10 août 1950)
Si la période envisagée -de novembre 1949 au 30 mars 1951- correspond chronologiquement à la rédaction de La Plage de Scheveningen(2), c’est cependant l’univers des Hauts-Quartiers(3) que retrouve avec autant d’intérêt que d’émotion le lecteur averti, puisque l’écrivain transposera dans ce roman posthume -comparé par plus d’un critique aux œuvres de Dostoïevski- l’existence très précaire qu’il menait alors, ainsi que la plupart des personnages qu’il fréquentait.
A petites touches quotidiennes, Gadenne exécute en outre l’autoportrait d’un alchimiste qui ne disposerait pour tout matériel que d’alambics cabossés et de potions éventées. Affaibli par la tuberculose, confiné dans une chambre de bonne, perturbé jusqu’à la torture par l’incessant vacarme de ses voisins, il se trouve parfois dans l’impossibilité physique d’écrire durant plusieurs semaines. Et pourtant, la transmutation s’effectue, comme en témoigne cette fulgurante notation du 3 octobre 1950 que l’on dirait écrite avec son sang : « Un livre où la fatigue jouerait le rôle de l’ivresse dans Au-dessous du Volcan. »
Compilation de menus incidents, d’impressions de voyage, d’états d’âme (« Certaines questions d’autrui, qui vous dénudent »), de conversations entre anonymes ou entre écrivains (« Guérin : vous comprenez, je n’ai que ma vie. Cayrol : oui, moi, j’ai toute ma vie »), de notes de lecture (Leiris, Caillois, Blanchot, Kafka, Gheorgiu…) de conseils à soi-même (« Ne rien écrire qui n’ait du ton -ou un ton. Là est le secret, plus que dans les techniques »), d’aphorismes (« Il y a une chose qui ne risque pas le ridicule, la foi »), Le Rescapé révèle cependant des enjeux plus cruciaux que ceux d’un simple journal. Il s’agit aussi et sans doute avant tout pour Gadenne de vérifier le credo littéraire qu’il exposa dans Efficacité du roman(4) : « Il n’y a de roman que de l’unique… si quelqu’un a fait un geste, je veux savoir comment le monde, et ses rapports avec le monde sont entrés dans son geste ; comment ce lieu, cette heure, ce paysage, ce coin de rue ou ce coin de ciel ont marqué son acte… »
Disciple de Charles du Bos en cela, Paul Gadenne entendait « laisser l’art immergé dans la pleine mer de la vie ».

(1) Gallimard 1947, Seuil 1983.
(2) Gallimard 1952, 1983.
(3) Seuil 1973
(4) Repris dans A Propos du roman, Actes Sud 1983.

Le Rescapé
Carnet (nov. 1949-mars 1951)
Paul Gadenne

Editions Séquences
112 pages, 80 FF

Gadenne en partie Par Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°7 , février 1994.