Le premier roman de l’Américain Dennis Cooper nous abandonne entre fascination et répulsion. Georges Miles, personnage fil conducteur, avale du « speed », histoire de mettre la conscience en veilleuse, et baise, laissant son corps l’emmener au bout de ses désirs. Ses expériences sont des amants différents, huit en tout, étreints en autant de chapitres. John est la première rencontre. Portraitiste, il défigure sur la toile ses modèles (souvent ses amis) au hasard de ses fantasmes. Rescapé du mouvement punk et de ses valeurs nihilistes (les « No future »), il est perdu, sans repère, comme « l’iroquoi » croisé en compagnie de Georges dans un bar homosexuel et qui arbore le badge : « J’ai de la cervelle mais je ne sais pas comment m’en servir ». Happé par un vide dont le goût devient vite enivrant, John est à l’image des autres amants de Georges, en quête de ses propres limites. De Philippe, le scatophile jusqu’à Tom qui accueille les jeunes gens prêts à mourir, obsédé par ce qui se cache sous leur peau.
Il ne faut pas se méprendre pourtant. Georges n’est pas un dur, insensible à la douleur, marginal ou masochiste. Il va à la fac, rêve de vivre à Disneyland, tient un journal intime, regarde des films d’horreur minables et ment à des parents attentionnés sur ses sorties nocturnes. S’il cherche les extrêmes, c’est avant tout pour sentir l’existence d’un peu plus près : « Je n’arrête pas d’essayer un tas de trucs, mais même si je tombais sur le bon, je continuerais. »
Le style de Dennis Cooper est minimaliste, précis. L’absence d’effets, la crudité du vocabulaire, la brièveté des phrases et des paragraphes donnent au récit une vivacité et une intensité, un rythme qui suffit à bannir toute velléité imaginative. Dennis Cooper vise la chronique sociale et le résultat est très convaincant.
Après plusieurs recueils de poèmes, Dennis Cooper se situe dans la mouvance d’une Katy Acker ou d’une Sarah Schulman. Il a publié, depuis Closer, deux autres romans encore inédits en France.
Closer
Dennis Cooper
Traduit de l’américain par
T. Fourreau et J.-L. Mengus
P.O.L
206 pages, 95 FF
Domaine étranger L’attrait du vide
juin 1995 | Le Matricule des Anges n°12
| par
Erwan Le Bihan
Un livre
L’attrait du vide
Par
Erwan Le Bihan
Le Matricule des Anges n°12
, juin 1995.