Édité à la création d’Imprécation IV, dernier spectacle en date écrit et mis en scène par Michel Deutsch, John Lear reprend en partie les textes de la pièce agrémentés de trois courts inédits, avec presque toujours, en filigrane, les impossibles rapports entre l’homme et la femme. Résurgence hargneuse du vieux roi shakespearien en « aimable retraité entretenu par la sécurité sociale », John Lear, poursuivi par une journaliste nunuche et collante qui répond au nom de Cordélia, raconte la vieille Europe, le monde tel qu’il ne tourne plus. « (…)Il n’y a plus ni Est ni Ouest - ni passé ni avenir. Le présent. Tout est réduit au présent -à la permanence, à l’immédiateté, à l’immatérialité. Le présent… Le présent fluide, toujours fuyant, sans profondeur, sans objet stable, solide… Reste le Sud. Une triste épreuve, en vérité ». Plus fou que son fou, lâché par ses « harpies » de filles, « John Lear a besoin d’argent ».
Ludiques et légers comme une partie de cache-cache, les quatre dialogues qui composent Les Baisers sont envisagés comme une série de combinaisons amoureuses. « Un homme embrasse une femme/Une femme embrasse un homme/ Deux hommes ou deux femmes ou un homme et une femme ou une femme et un homme » est-il proposé en ouverture de ces échanges plutôt mordants.
Plaidoyer contre l’oubli sur fond d’histoire politique, dialogue en forme d’inventaire, réflexion sur le théâtre et sur le temps, jeux et fragments amoureux… Il faut tous les lire sans modération. Poétiques et politiques, légers et graves, cyniques et tendres à la fois, ces textes portent bien la marque de leur auteur provocateur. Ceux qui ont vu Imprécation IV regretteront cependant de ne pas retrouver dans cette publication les textes sagaces et pleins de verve des chansons qui rythmaient le spectacle sur un air très rock de cabaret politique.
John Lear
Michel Deutsch
L’Arche
90 pages, 65 FF
Théâtre Dialogues impossibles
juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
Dialogues impossibles
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°16
, juin 1996.