C’est dès 1934 que Max Jacob a formulé le projet d’un recueil de ses poèmes religieux. Il aura fallu attendre plus de soixante ans pour que ce projet aboutisse. Il n’est d’ailleurs pas certain que ces Actualités éternelles soient celles que Max Jacob voulait : des poèmes qu’il avait destinés aux Actualités éternelles ont été « écartés de ce volume », signale l’avant-propos. On peut en outre reprocher à ce livre d’avoir été composé par des mains de collectionneur plus que par des mains d’éditeur : les notes des pages 287-305 tendent à faire de ces Actualités éternelles un catalogue de manuscrits plus qu’un recueil de poèmes. Ce volume a, malgré ses imperfections, le mérite d’exister et nous donne à lire une poésie chrétienne qui se propose de dire dans une esthétique résolument moderne la beauté de la Révélation. Religieux, les poèmes des Actualités éternelles ne le sont pas par leur thème. Ils se situent à l’opposé d’un art qui se proposerait d’illustrer, ou, pire, de justifier les dogmes figés d’un cathéchisme. Ce sont des prières, des vers de louange : « À vous Seigneur, à vous qui m’avez muni d’anges / je dois de grands mercis et des vers de louange ». Ils répondent à la Révélation qu’eût Max Jacob en 1909, une Révélation de laquelle surgira une foi travaillée par le doute : « Suis-je assez fou pour m’avoir inventé un Dieu sur un mur ? Et si ce Dieu n’était pas un Dieu, comment m’aurait-il converti ? » Poète chrétien, Max Jacob le fut assurément même s’il fut difficile à certains chrétiens d’accueillir ce triste clown converti, qui « barbotait » au pied de la Croix : « Je me suis baigné dans le sang du Crucifix et je ne veux pas qu’on me sèche, dussè-je mourir de pneumonie ». Par une mauvaise ruse du destin, c’est d’une pneumonie que Max Jacob mourra le 5 mars 1944 au camp de Drancy.
On peut aussi signaler la réédition de deux de ses romans « expérimentaux » : Le Phanérogame (La Bartavelle,190 pages, 85 FF) et Le Terrain Bouchaballe (Gallimard, 370 pages, 69 FF). La critique du réalisme romanesque et de sa linéarité passe pour Max Jacob par une théâtralisation du roman. Il transformera d’ailleurs (assez logiquement) lui-même Le Terrain Bouchaballe en comédie. À vrai dire ces deux romans n’ont pas aussi bien vieilli que Le Cabinet noir mais, pleins d’invention, de malice et de tendresse, il sont la preuve que chez Max Jacob, c’est bien « le poète (qui) porte sur ses épaules le romancier » (G. Bounoure).
Christophe David
Actualités éternelles
Max Jacob
La Différence
286 pages, 120 FF
Poésie Max Jacob, clown et martyr
septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17
| par
Christophe David
Un livre
Max Jacob, clown et martyr
Par
Christophe David
Le Matricule des Anges n°17
, septembre 1996.