Promis à une radieuse carrière politique, Janvier Eupherte, énarque brillant et plus jeune député de France, subit une transplatation cardiaque en urgence. Les mois d’hôpital, la mort si proche et la douceur de la belle infirmière ont brusquement changé sa vision de la vie. Au somptueux mariage avec la très bourgeoise Marie-Bernard annoncé à la une de toutes les gazettes, Janvier préfère passer l’anneau au doigt de celle qui l’a soigné, dans la discrète intimité d’une petite chapelle des Pyrénées.
Une ambiance happy-few, une fiancée riche, une fiancée pauvre, une future belle-mère secrétaire d’État à la santé sans scrupule, une usine à produire des organes artificiels, de l’argent, de la politique… Derrière la comédie qui frôle parfois le néo-boulevard, c’est bien la crise des valeurs d’une société française minée par les affaires que Jean-Marie Besset entend porter à la scène.
Directement inspiré par l’affaire du sang contaminé, l’auteur, au moyen de très courts dialogues presque anecdotiques, « s’essaie à explorer plus avant le schizophrénie nationale » comme il le note dans sa préface intitulée France fin de siècle. « De quel vivier, de quel milieu, de quel arrière-plan sortent donc ceux et celles qui nous gouvernent ? De quels préjugés et archaïsmes continuent-ils d’être les victimes ? Quelle est la part exacte du raisonnement, de l’idéal, de la liberté, de la responsabilité, du caractère dans la décision ? » Le sujet est ambitieux.
Auteur de cinq pièces (chez le même éditeur) -dont Villa Luco, remarquable dialogue entre De Gaulle et Pétain- Jean-Marie Besset s’attache depuis toujours à ausculter l’état de la France. Certains passages sont ici assez finement imaginés- ainsi lorsque le secrétaire d’État Elvire La Carrière Vauvray tente de racheter son salut auprès du jésuite Valdez qui invente le néologisme « bourgeoisisme » pour l’occasion. Pourtant, la pièce ne décolle jamais vraiment de son sujet, on peine un peu à y trouver les idées. Et le texte, à la lecture, est dans l’ensemble assez ennuyeux.
Un Cœur français
Jean-Marie Besset
Actes Sud-Papiers
73 pages, 70 FF
Théâtre Bourgeoisisme fin de siècle
décembre 1996 | Le Matricule des Anges n°18
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
Bourgeoisisme fin de siècle
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°18
, décembre 1996.